Nous avons demandé à Maître Cécile Peskine du cabinet LINK&A de nous éclairer sur les conséquences pratiques de cette loi pour les réseaux de franchise, ce que vous découvrirez plus bas après l’explication de la décision de validation par le conseil d’état qui n’a censuré qu’une partie du texte.
L’adoption définitive de la « Loi Travail »
Par une décision du 4 août 2016 , le Conseil Constitutionnel a partiellement censuré l’article 64, précisant que le franchiseur n’avait pas à supporter les dépenses de fonctionnement de l’instance de dialogue social, ni celles relatives à l’organisation des réunions, aux frais de séjour et de déplacement.
Cette prise en charge des dépenses par le seul franchiseur a ainsi été considérée comme une atteinte disproportionnée au principe de la liberté d’entreprendre dans la mesure où ces dépenses « peuvent revêtir une certaine importance » et où l’instance créée a pour objet d’associer les salariés des franchisés à des discussions sur leurs conditions de travail. Le Conseil Constitutionnel a en outre précisé que les employeurs franchisés devaient être partie à la négociation relative aux heures de délégations octroyées aux salariés des franchisés pour participer à l’instance de dialogue social. Il a enfin considéré qu’à défaut d’accord, les heures de délégation concernées devaient s’imputer sur les contingents d’heures déjà existant.
Hormis cette censure partielle du texte et les quelques réserves mentionnées ci-dessus, le Conseil Constitutionnel a validé le principe de la mise en place d’une instance de dialogue social dans les réseaux de franchise. Il n’est donc désormais plus possible de remettre en cause l’article 64 de la « Loi Travail ». En conséquence, les franchiseurs doivent dès à présent anticiper les changements découlant de cette nouvelle réglementation.
Conséquences pratiques pour les franchiseurs
Voyons successivement quels sont les réseaux concernés, quel est le fonctionnement de l’instance de dialogue social et quelles sont ses attributions.
Quels sont les réseaux concernés par la mise en place d’une instance de dialogue social ?
1. Seuls sont concernés les réseaux de franchise
Le texte ne s’applique ainsi pas aux réseaux développés sur la base de contrats de licence de marque pure, de concession simple, ou encore de coopératives.
Le législateur justifie cette application aux seuls réseaux de franchise par le fait que ces derniers reposent sur des contrats « normalement plus contraignants sur le fonctionnement des entreprises franchisées que les autres formes juridiques de réseaux commerciaux », relevant que « les caractéristiques particulières du contrat de franchise conduisent à ce que les modalités d’organisation et de fonctionnement des entreprises franchisées soient plus encadrées que dans les autres formes d’organisation », ce qui peut « avoir un effet sur l’organisation et les conditions de travail des salariés des entreprises franchisées » , et justifierait donc la mise en place d’une instance spécifique de dialogue social dans les seuls réseaux de franchise.
2. Comptant au moins 300 salariés en France
Sont donc seulement visés les réseaux de franchise d’une certaine taille.
Reste toutefois à savoir si les salariés du franchiseur doivent être pris en considération pour déterminer si le seuil de 300 salariés est franchi, ou si l’on doit s’en tenir au décompte des salariés des franchisés membres du réseau. La lettre du texte laisse pencher en faveur de la seconde hypothèse, puisque ce dernier ne concerne que les « exploitants » du réseau, suggérant ainsi que les salariés du franchiseur non affectés à l’exploitation d’un point de vente ne doivent pas être pris en considération dans le décompte.
3. Reposant sur un contrat de franchise contenant des clauses ayant « un effet sur l’organisation du travail et les conditions de travail dans les entreprises franchisées »…
Le législateur réserve la mise en place de l’instance de dialogue social aux réseaux dont le contrat de franchise impacte directement l’organisation du travail et les conditions de travail dans les points de vente franchisés.
A lire les observations du Gouvernement, devraient notamment être considérés comme tels les réseaux reposants sur un contrat de franchise comportant des clauses « strictes relatives à l’hygiène dans les entreprises franchisées », ou encore relatives « aux horaires d’ouverture des magasins » .
A contrario, les réseaux de franchise dont le contrat de franchise laisse au franchisé toute latitude pour organiser le travail et les conditions de travail de sa masse salariale semblent exclus du champ d’application de la loi.
4. Dans le cas où une organisation syndicale le demande
Le texte conditionne la mise en place de l’instance de dialogue social à la demande d’une organisation syndicale représentative au sein de la branche ou de l’une des branches dont relèvent les entreprises du réseau ou ayant constitué une section syndicale au sein d’une entreprise du réseau. L’article 64 est toutefois silencieux sur la manière dont cette demande doit être formulée.
Quel est le fonctionnement de l’instance de dialogue social ?
Lors de la première réunion, l’instance doit adopter un règlement intérieur déterminant ses modalités de fonctionnement.
Quelles sont les attributions de l’instance de dialogue social ?
Chaque réunion de l’instance doit ainsi être l’occasion pour le franchiseur de l’informer sur les décisions « de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, la durée du travail ou les conditions d’emploi, de travail et de formation professionnelle des salariés des franchisés », ainsi que sur les entreprises entrées dans le réseau ou l’ayant quitté.
En parallèle, l’instance peut également être force de proposition concernant « les conditions de travail, d’emploi et de formation professionnelle des salariés dans l’ensemble du réseau ainsi que les conditions dans lesquelles ils bénéficient de garanties collectives complémentaires mentionnées à l’article L. 911-2 du code de la sécurité sociale ». Ces propositions peuvent être formulées à l’initiative de l’instance, du franchiseur ou de représentants des franchisés, le franchiseur n’ayant toutefois aucune obligation d’y déférer.
Si les contours de cette instance de dialogue social sont ainsi bien dessinés par la Loi Travail, l’on peut toutefois être curieux de savoir comment son décret d’application viendra en préciser les modalités de fonctionnement, et quelle application et interprétation en feront la pratique et la jurisprudence.
Cette curiosité semble d’ailleurs être partagée par le législateur, qui a prévu que les organisations syndicales et professionnelles des branches concernées devaient établir un bilan de la mise en œuvre de l’article 64, et le transmettre à la Commission nationale de la négociation collective au plus tard dix-huit mois après la promulgation de la Loi Travail.
L’instance de dialogue social n’a donc pas fini de faire parler d’elle…
Note d’AC Franchise : Justement, nous venons de publier un dossier en 13 pages sur l’instance de dialogue social dans les réseaux de franchise telle que la loi Travail El Khomri la rend obligatoire.
A propos de Cécile Peskine
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