La franchise expliquée par les experts de la fff. Le cas Pingouin. part 2

  • Créé le : 28/04/2012
  • Modifé le : 28/04/2012
Quels furent les savoir faire métiers à la base du succès de la franchise Pingouin ? C’est ce que nous abordons ci-dessous. Rappel : C’est le chapitre 3 de l’ouvrage « Le défi de la réussite partagée de la collection « La franchise expliquée par les experts ».

« Ce fut d’abord une affaire de métiers industriels mais nous verrons aussi plus loin que ce fut « trop longtemps » une affaire d’industriels.
Les filatures du groupe Prouvost, créées au 19ème siècle, étaient très puissantes et le groupe maîtrisa rapidement tous les métiers de la filière Laine depuis le négoce de laine brute au niveau mondial, jusqu’à la vente de laine à tricoter à la distribution multimarque existante en passant par le peignage de la laine et la filature.

La Lainière de Roubaix, propriétaire de la marque Pingouin, avait inventé la pelote pour remplacer les écheveaux de laine qui étaient la façon habituelle de les conditionner pour la vente au détail. Combien d’entre nous n’ont-ils pas tendu leurs bras pour aider leurs grand-mères à démêler ces rustiques écheveaux ?
Pour présenter ces pelotes, il fallut inventer les casiers et les magasins qui « allaient avec » afin de remplacer les grands sacs et les picots muraux par lesquels les écheveaux étaient rangés et présentés. Un concept de magasin était né, basé sur une innovation industrielle, une innovation architecturale et de nouveaux savoir faire métiers furent maîtrisés peu à peu, celui de concepteur de magasin bien entendu, mais aussi celui de marchandiseur pour disposer et associer les couleurs et les matières dans le magasin et dans la vitrine. Dès la fin des années 70, en bon franchiseur, Pingouin reconstituait un magasin complet dans ses bureaux pour en penser l’évolution, améliorer le merchandising, préparer les vitrines et aussi envoyer chaque mois les photos et schémas de vitrine aux franchisés en coordination plus qu’étroite avec les thèmes des campagnes publicitaires dans les magazines, à la télévision ou sur les ondes radio.

Voilà donc un autre métier qui apparaît dans notre historique, celui de la communication, toujours avec une grande modernité car Pingouin-Stemm fut, vers 1960, l’une des premières marques à sponsoriser un groupe de rock, les Chaussettes noires, dont le chanteur n’était autre qu’Eddy Mitchell et l’impresario Eddy Barclay. Mais bien entendu, l’essentiel du métier exercé au sein de la société était de penser et coordonner la communication entre l’agence, le service marketing, une équipe d’assistance commerciale de 100 personnes et les 1850 magasins français.

Bref, nous voilà avec un bon produit bien packagé dans un magasin très bien adapté et une marque connue servie par une puissante communication. Pour la plupart des produits, cela suffirait mais pas pour le fil à tricoter qui est un produit semi-fini, un produit que le consommateur achète pour le transformer. S’agissant d’un produit textile de mode, il faut maîtriser le métier du style qui va des tendances des coloris et des matières aux créations de modèles mais s’agissant d’un produit semi-fini il faut aussi créer les explications de tricot pour les plus de 300 modèles créés chaque année. Des explications de tricot que l’on pourrait comparer aux notices techniques dans le bricolage. Ceci nous amène au métier d’éditeur de revue de mode, les modèles étant publiés dans une dizaine de revues par an pour lesquelles il fallait assurer le stylisme, la sélection des mannequins, la photo, la mise en page, l’impression et la diffusion. Je crois me souvenir que Pingouin a frôlé le million de revues diffusées dans ses magasins et dans le réseau presse lors des plus grosses années. Il faut aussi rappeler que Jean Prouvost avait bâti ou racheté des journaux et magazines qui en faisaient un puissant groupe de presse, particulièrement dans la mode avec le titre Marie Claire.

Bien entendu, un tel métier basé sur la mode et la technique supposait une structure de formation adaptée au siège et surtout une assistance par les équipes du franchiseur pour l’ouverture et le lancement des magasins.

Pour chaque création de magasin et chaque mise en conformité au gré de l’apparition des nouveaux concepts architecturaux, il fallait aussi aider les franchisés à financer l’opération. Une cellule spécifique fut créée progressivement pour ce métier du financement de la franchise. Son rôle était non seulement de valider les études de marché et les prévisionnels mais aussi très souvent de boucler les financements avec les deux banques auprès desquelles la Lainière de Roubaix disposait de lignes de crédit spécifiques au développement du réseau en contrepartie de quoi la société se portait caution avec droit de préemption sur le fond de commerce. Soit-dit en passant, l’évolution de la jurisprudence rendrait cette pratique plus risquée aujourd’hui en cas de non réalisation des chiffres d’affaires prévus notamment.

Bien entendu, la création d’un réseau de milliers de magasins nécessita la maîtrise de deux métiers liés au développement, le recrutement de franchisés et la recherche immobilière. Pour le recrutement, Pingouin utilisa tous les moyens classiques comme les magazines et les salons mais s’appuya toujours sur sa notoriété grand public et sur une approche directe des commerçants sur le terrain et du bouche à oreille qui suivait ces prospections pendant lesquelles l’équipe de vente recherchait en même temps des locaux. Il faut noter que ce sont les mêmes commerciaux qui assuraient le recrutement de franchisés, la recherche des pas de porte et le suivi des franchisés existants. Le système était donc basé sur une très étroite connaissance du terrain, une forte proximité et une réactivité totale aux opportunités. Il n’est pas anodin de signaler que beaucoup d’anciens « Pingouin » sont devenus responsables du développement de réseaux ou agents immobiliers spécialistes des réseaux.

Comment un franchiseur doté de tels atouts a pu disparaître ? Lisez la suite.

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