Pour la première fois Intermarché est en perte de vitesse. Une nouvelle direction prend la tête du troisième groupe français de distribution avec pour seul objectif de redresser la situation.
Intermarché connaît des difficultés essentiellement dues au dérapage de son internationalisation, au détriment des magasins français qui désormais voient leur fréquentation baisser. L’enseigne aurait perdu plus de deux points de parts de marché, passant de 14,7 % en 1997 à 12,3 % en juin 2002. Le groupement a plongé dans le rouge en 2001.
Jean-Pierre Le Roch, fils de paysan breton, avait fondé le groupe en 1969. Le charismatique patron-fondateur maintenait le cap et continuait à participer aux décisions. Il a voulu défendre son successeur mais aujourd’hui il se trouve marginalisé et les contestataires ont renversé Pierre Gourgeon en septembre 2002 pour le remplacer par Michel Pattou.
Partis en guerre » contre la vie chère « , les Mousquetaires avaient assuré une croissance phénoménale au cours des années 70 et 80, 187 magasins en 1979, 8 104 aujourd’hui. De nombreuses idées ont permis le développement de concepts tels que bricomarché, vêtimarché… Certains adhérents ont ainsi fait fortune. Mais avec les années 1990 la machine s’est enrayée. Les Intermarchés ont fini par se faire concurrence les uns aux autres. A cela s’est ajouté le gel des grandes surfaces imposé par les pouvoirs publics. Pour y faire face, Intermarché s’est tourné vers l’étranger. Mais l’aventure a mal tourné. Seul le Portugal lui permet de rentabiliser son investissement, alors que l’équilibre est juste atteint en Pologne. Ailleurs l’opération n’est pas rentable : Espagne, Italie, Belgique… Les méthodes maison sont mises en cause. On reproche un manque de professionnalisme. Ainsi en Allemagne, les mousquetaires n’ont pas su s’imposer face aux hard discounters comme Lidl ou Aldi. Le résultat d’exploitation de Spar se révèle catastrophique.
Les adhérents ont dénoncé les ratés de cette politique menée par la direction, ils se plaignent d’être pressurés pour colmater les brèches. D’après eux un Intermarché permet de dégager 14 % de marge en moyenne, contre 18 à 24 % pour un super U. Le groupement est accusé de faire de l’argent pour le développement de son empire industriel, l’enseigne contrôle aujourd’hui 45 usines et 40 bateaux de pêche. Même si certains prétendent que c’est là une garantie d’indépendance, il est difficile d’assurer deux métiers : distributeur et industriel. Sans compter que les clients n’achètent pas seulement les marques du groupe. Aussi les adhérents quittent le navire et le turn-over des salariés atteint des chiffres astronomiques. Même le plan de modernisation des magasins engagé dès 1999 n’avance pas, moins d’un tiers des magasins ont été relookés en trois ans.
Michel Pattou sait qu’il a peu de temps pour redresser la situation. Son action est rendue d’autant plus difficile que chez Intermarché les responsabilités sont assurées directement par les adhérents selon un système dit du » tiers temps « … On finit par ne plus savoir qui décide. Il faudra que l’état major fonctionne particulièrement bien, » un pour tous « …
Vu dans Capital – décembre 2002