Il est fréquent pour les franchisés, dès lors qu’ils rencontrent des difficultés dans l’exploitation de leur point de vente ne leur permettant pas de ce fait d’atteindre le succès escompté, de
chercher à engager la responsabilité du franchiseur afin d’obtenir le versement de dommages et intérêts.
Or, si le franchiseur est tenu au respect d’obligations dans le cadre de l’exécution du contrat de franchise, celles-ci ne s’étendent pas à la prise en charge des pertes du franchisé. C’est ce qu’a rappelé la Cour de cassation dans une décision rendue le 7 janvier 2014, soulignant le fait que le franchiseur n’avait pas manqué à ses obligations contractuelles (Cass. com., 7 janvier 2014, n°12-17.154).
Rappel des faits
Les faits étaient les suivants. En 2004, deux sociétés ont conclu un contrat de franchise. En 2007, le franchisé a été placé en liquidation judiciaire. Le franchiseur l’a assigné afin d’obtenir le paiement du droit d’entrée et le liquidateur de la société franchisée a demandé le versement de dommages et intérêts, invoquant différents manquements qui auraient été commis par la tête de réseau dans l’exécution du contrat de franchise.
Tout d’abord, le liquidateur soulevait le fait que le franchiseur aurait manqué à son obligation de loyauté contractuelle en refusant de prendre les mesures qui s’imposaient pour éviter que le franchisé ne subisse seul les pertes. Selon l’argumentation développée par le liquidateur, le franchiseur aurait dû aider le franchisé à surmonter ses difficultés, au besoin en adaptant les conditions financières du contrat de franchise, et donc en réduisant ou en supprimant les redevances qui étaient dues par le franchisé en application du contrat.
Le tribunal rappelle les limites de la responsabilité du franchiseur
Or, ainsi que cela est rappelé dans la décision, « le franchisé est un entrepreneur indépendant qui assume et porte la responsabilité de ses résultats d’exploitation, financiers, et commerciaux, l’obligation du franchiseur ne s’étendant pas à la prise en charge des pertes du franchisé, et [que] le principe de la force obligatoire des conventions s’oppose à l’obligation qui pourrait être mise à la charge d’une partie, en l’absence de clause en ce sens, de renégocier un contrat en cours d’exécution » (…) « aucune stipulation contractuelle n’obligeait le franchiseur à reprendre l’exploitation de ces agences en cas de résultats d’exploitation déficitaires ».
En effet, en tant que commerçant indépendant, le franchisé assume en principe seul les risques de son entreprise dont il assure la gestion. Ainsi, bien que le franchisé ait rencontré des difficultés dans l’exploitation de son point de vente, il ne saurait être reproché au franchiseur d’avoir continué à faire application des dispositions du contrat et de ne pas avoir renégocié ces dernières, dès lors qu’aucune clause du contrat ne mettait une telle obligation à sa charge.
Ensuite, le liquidateur invoquait le fait que le franchiseur était tenu de développer et, à tout le moins, de maintenir en l’état, le maillage de son réseau, une telle obligation étant inhérente au contrat de franchise. Or, le nombre d’agences appartenant au réseau du franchiseur avait ici diminué.
Il est ainsi rappelé par les magistrats que, si le maillage du territoire constitue une condition nécessaire à l’existence et à la pérennité du réseau, le contrat de franchise ne faisait peser aucune obligation de résultat à la charge du franchiseur concernant le maintien en l’état ou le développement du réseau. Il ressort en effet de la nature même du réseau que celui-ci évolue au long de la relation contractuelle, même si cela ne saurait en aucun cas justifier le démembrement total du réseau par le franchiseur (la solution aurait donc très certainement été différente si, au lieu d’un simple affaiblissement du réseau, celui-ci avait totalement disparu). En l’espèce, le liquidateur ne démontrait pas en quoi le franchiseur pouvait directement être responsable de la diminution du nombre d’agences au sein du réseau, d’autant que le franchiseur justifiait de l’entretien du réseau, notamment au travers de la politique de communication et de sponsoring qu’il avait menée. Dans ces conditions, aucun manquement ne pouvait être reproché au franchiseur.
Une insuffisance de résultats ne suffit pas à constituer une faute
Enfin, le liquidateur avançait le fait que pesait sur la tête de réseau une exigence de réussite commerciale, pendant toute la durée du contrat, qui n’aurait pas été respectée. Or, « si l’enseigne n’a pas connu le succès escompté, le franchisé n’est pas fondé à en demander réparation auprès du franchiseur, sauf à rapporter la preuve d’un manquement précis de ce dernier à ses obligations contractuelles », ce qui en l’espèce n’était pas rapporté.
Par conséquent, il ressort de cette décision que la responsabilité du franchiseur ne saurait être engagée au seul motif que le franchisé aurait rencontré des difficultés ne lui ayant pas permis de réaliser les résultats escomptés et aurait fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire, dès lors qu’aucun manquement susceptible d’avoir été commis par la tête de réseau n’a été démontré. Il aurait en effet été nécessaire, pour prétendre à une indemnisation, de prouver un manquement commis par le franchiseur.
Justine GRANDMAIRE Avocat – Docteur en Droit Cabinet SIMON Associés
Domaines d’intervention :
Justine GRANDMAIRE est spécialisée en droit économique et intervient à la fois dans le domaine du conseil et du contentieux sur l’ensemble des problématiques liées au droit des contrats, au droit de la distribution et au droit de la concurrence.