Remi De Balmann : « L’unité pilote est un élément essentiel dans la genèse d’un projet pour un futur franchiseur. Nous parlons d’ailleurs de la genèse qui est le moment où celui qui va devenir tête de réseau, se décide à constituer précisément ce réseau.
Pour cela, il faut qu’il ait préalablement une expérimentation au travers au moins d’une unité pilote et ce pour une raison toute simple qui est qu’on ne franchise pas une idée mais une réussite, un concept.
Les idées restent de libre parcours, nous ne pouvons pas partir de rien, nous ne nous improvisons pas franchiseur. La jurisprudence à cet égard a été amenée à tirer des enseignements du fait que le document d’information précontractuel doit comporter l’historique du franchiseur, l’historique également appuyé et éclairé par ses résultats d’ordre comptable au travers de ses biens des deux dernières années.
Lorsqu’un futur franchiseur n’a pas les bilans de ses deux dernières années, au moins doit-il avoir les bilans des unités pilotes à travers lesquelles il a expérimenté son concept. Il faut que le futur franchiseur se dise bien que c’est à travers cette expérimentation pilote qu’il va formaliser son savoir faire, va pouvoir au quotidien constituer et rédiger ce que vont être les manuels opératoires.
Là encore, nous ne sommes pas dans l’improvisation. Nous sommes dans la construction et sur la durée. C’est à travers les pilotes que le savoir faire a été mis au point, c’est dans les pilotes que les bibles et les manuels opératoires vont pouvoir être établis.
Il est évident que les juges vont être amenés à considérer que s’il n’y a pas eu d’expérimentation pilote et bien que la loi ne dise pas en tant que tel qu’il faudrait avoir x unité pilote avant de s’instituer et se proclamer franchiseur, s’il n’y a pas eu cette expérimentation au préalable, nous pouvons considérer que le contrat de franchise encoure nullité.
A cet égard, nous pouvons ajouter que ce n’est pas parce que certains futurs franchiseurs n’ont précisément pas cette expérimentation au préalable, qu’ils devraient ou pourraient se dire qu’ils vont biaiser en intitulant leur contrat autrement que contrat de franchise pour ne pas tomber sous l’application de cette règle qui veut que le franchiseur ait une expérimentation préalable.
Ceci n’est pas une bonne manière de voir le problème car la franchise n’est pas quelque chose pour laquelle nous optons en fonction et au gré des circonstances. Si nous avons le sentiment et la conviction que nous avons un savoir faire à transmettre, nous sommes dans de la franchise. S’il n’y a pas de savoir faire à transmettre, nous ne sommes pas dans la franchise, autrement dit aussi, nous ne devenons pas comme ça au gré du temps et au gré du vent franchiseur !
Nous déconseillons de tenter de se mettre à l’abri d’un reproche en évitant d’user du mot de franchise dans son contrat au prétexte que l’on pourrait justifier d’un pilote.
Les juges ayant pouvoir de requalifier les contrats si nous n’avons pas d’expérimentation au préalable et que nous avons parlé de franchise, nous risquons de nous le faire reprocher. Si nous avons évoqué l’idée d’un concept et même si nous n’avons pas utilisé le terme de franchise, à partir du moment où nous ne pouvons pas justifier d’une expérimentation pilote, nous devrons nous exposer également et de la même manière, à une requalification ou à une disqualification du contrat.
S’agissant des pilotes, il faut bien avoir à l’esprit que le futur franchiseur doit tenir compte de son expérimentation et ne doit pas chercher à biaiser la réalité. Les juges ont été amenés à considérer que lorsque les dés avaient été pipoté le contrat encourait annulation.
Ainsi une Cour d’appel a pu annuler un contrat de franchise après avoir notamment relevé que le document d’information précontractuel était muet sur le magasin pilote alors que le résultat de celui-ci, mentionnait des pertes nettement croissantes de sorte que la rentabilité annoncée du magasin était largement contredite par celle du magasin pilote.
Nous voyons donc l’utilité double qui est de se servir du pilote comme un élément et un reflet de sa propre réussite. Et lorsque le pilote n’est lui-même pas rentable, il ne faut pas se lancer dans la franchise qui est tout de même, pour le futur franchiseur, une étape importante, difficile et délicate puisqu’il va constituer un réseau et créer des partenariats avec un certain nombre de franchisés.
Dans une autre affaire il a été considéré que l’inexistence d’un quelconque savoir faire résultait de l’absence d’une expérience menée à son terme avec réussite. Donc les juges, là encore, sont extrêmement sensibles au fait de pouvoir justifier ou non de cette expérience au préalable. »
La rédaction vous conseille cet article : De l’obligation pour un franchiseur de tester son concept dans une unité pilote.