Par Jérôme Guillé, avocat au sein du département Distribution Concurrence Consommation du cabinet SIMON ASSOCIES
Le cautionnement donné par le gérant pour une période déterminée d’une société franchisée ne se trouve pas prorogé par l’effet de la prorogation du contrat de franchise.
Le gérant de deux sociétés franchisées du réseau ALAIN AFFLELOU s’est porté caution solidaire des engagements des sociétés franchisées à hauteur de 134.000 euros pour l’une et de 233.000 euros pour l’autre « pour une durée courant à compter du jour de la signature du présent engagement jusqu’au 30 juin 2011 à minuit ».
Les engagements de caution précisent dans la clause « obligations solidaires » que : « le cautionnement solidaire s’applique au paiement ou au remboursement immédiat de toutes sommes que le débiteur principal peut à ce jour ou pourra devoir dans l’avenir à ALAIN AFFLELOU FRANCHISEUR SAS, à raison de tous engagements, de toutes opérations et, d’une façon générale, de toutes obligations dont l’origine est antérieure à la date d’expiration du délai ci-dessus, nées ou à naître sans aucune exception, directement ou indirectement liées au contrat de franchise conclu entre ALAIN AFFLELOU FRANCHISEUR SAS et le débiteur principal, à ses éventuels renouvellements successifs, qu’ils soient tacites ou ayant fait l’objet d’un avenant, et/ou de ses prorogations contractuelles ou de fait ».
Le paragraphe relatif à la cessation du cautionnement énonce quant à lui que « la caution sera tenue tant que le débiteur principal n’aura pas réglé l’intégralité des sommes dont il est redevable à l’égard d’ALAIN AFFLELOU FRANCHISEUR SAS au titre du présent contrat et de ses éventuels renouvellements successifs, qu’ils soient tacites ou ayant fait l’objet d’un avenant, et/ou de ses prorogations contractuelles ou de fait ».
Le 22 juillet 2016, le tribunal de commerce de Blois a placé les sociétés franchisées en procédures de sauvegarde.
Le franchiseur a déclaré des créances aux passifs pour des montants supérieurs aux plafonds de cautionnement, lesquelles ont été admises au passif des procédures collectives des franchisées.
Le 24 février 2017, le franchiseur a assigné Monsieur le gérant-caution devant le tribunal de commerce de Blois en se prévalant des cautionnements souscrits à son profit en garantie des engagements pris par les sociétés franchisées en demandant que soit constatée l’efficacité des engagements de caution.
Par jugements en date du 15 décembre 2017, le tribunal de commerce a prononcé la liquidation judiciaire des sociétés franchisées.
De nouvelles créances étant nées durant la période d’observation, le franchiseur a déclaré ces créances au passif des sociétés franchisées.
Il a alors réclamé devant le tribunal de commerce la condamnation du gérant à lui verser les plafonds de cautionnement. Par jugement en date du 12 octobre 2018 le tribunal l’a débouté de l’intégralité de ses demandes.
Pour confirmer le jugement de première instance et débouter le franchiseur de ses demandes à l’encontre de la caution, la cour d’appel d’Orléans adopte le raisonnement suivant :
- la clause sur laquelle le franchiseur fonde sa demande indique que le cautionnement solidaire s’applique au paiement ou au remboursement immédiat de toutes sommes que le débiteur principal peut à ce jour ou pourra lui devoir dans l’avenir, à raison de toutes obligations dont l’origine est antérieure à la date d’expiration du délai indiqué [jusqu’au 30 juin 2011 à minuit] ;
- le délai ci-dessus est celui pendant lequel la caution garantit les engagements des débitrices principales ;
- l’indication de ce que la caution sera tenue tant que le débiteur principal n’aura pas réglé l’intégralité des sommes dont il est redevable à l’égard du franchiseur au titre du contrat de franchise et de ses éventuels renouvellements successifs, qu’ils soient tacites ou ayant fait l’objet d’un avenant, et/ou de ses prorogations contractuelles ou de fait ne peut s’entendre que visant les dettes des franchisées nées au titre du contrat et de ses renouvellements pendant la période de couverture de la caution ;
- en l’espèce, le gérant a expressément indiqué que sa garantie cesserait au 30 juin 2011 ;
- après le 30 juin 2011, les renouvellements des contrats de franchise ont donné naissance à des obligations nouvelles que la caution n’avait pas garanties, faute de s’y être engagée dans l’acte de cautionnement ;
- la garantie donnée par le gérant concernait donc les seules dettes des franchisées envers le franchiseur qui étaient nées à cette date ;
- or en l’espèce, l’intégralité des sommes réclamées par le franchiseur concernait des créances nées après le 30 juin 2011 ;
- par conséquent, les dettes revendiquées étant nées postérieurement à la période de couverture de la caution, elles n’étaient plus garanties.
Les franchiseurs sont invités à se montrer particulièrement vigilants sur le sort de leurs garanties en cas de poursuite du contrat initial au-delà de son terme.
A rapprocher : Cass. com., 15 mai 2019, n°17-28.875