Jérôme Guillé intervient en conseil et en contentieux dans les principaux domaines du droit commercial et du droit économique, notamment en droits de la distribution, de la concurrence, de la consommation et de la publicité.
La résiliation d’un commun accord du contrat de franchise ne fait pas obstacle à la recevabilité de la demande en nullité du contrat de franchise par le franchisé.
Le 9 avril 2011, la société Kadima a conclu avec la société Esprit de Corp. France, fabricant d’articles de prêt-à-porter et d’accessoires de mode pour femmes, hommes et enfants sous la marque « ESPRIT », un contrat de franchise se substituant à un précédent contrat de concession d’enseigne datant de 2006.
Par courrier du 16 janvier 2012, Kadima a sollicité la résiliation du contrat d’un commun accord pour « un juste motif », comme prévu contractuellement, et a sollicité une réduction significative, compte tenu des circonstances, du montant de sa dette s’élevant alors à 192.208,20 euros.
Par courrier du 20 mars 2012, la société Esprit a accepté la résiliation du contrat de franchise à l’amiable et, le 19 juillet 2012, les parties ont convenu d’un plan de rééchelonnement de la dette s’élevant à 119.892,39 euros en 10 mensualités.
Par exploit du 23 août 2013, la société Esprit a assigné la société Kadima devant le tribunal de commerce de Paris en sollicitant le paiement de la somme de 104.565,90 euros.
La société Kadima lui a, notamment, opposé l’exception de nullité du contrat de franchise, demandant subsidiairement la résiliation du contrat aux torts de la société Esprit et en toute hypothèse, la condamnation de cette dernière à l’indemniser à hauteur de 350.000 euros du fait de manquements à son obligation précontractuelle d’information, à ses obligations contractuelles d’information, d’assistance et de conseil et aux dispositions de l’article L. 442-6 du code de commerce. Par jugement du 6 novembre 2013, le tribunal de commerce de Paris a notamment dit irrecevables les demandes de nullité ou de résiliation du contrat de franchise formulées par la société Kadima, et condamné la société Kadima à payer à la société ESPRIT la somme de 104.565, 90 euros.
Par l’arrêt ici commenté en date du 6 juin 2018, la Cour d’appel de Paris :
- infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a condamné la société Kadima à payer à la société Esprit la somme de 104.565, 90 euros et aux dépens de première instance, statuant à nouveau,
- déclare recevable l’exception de nullité du contrat de franchise;
- déboute la société Kadima de sa demande en annulation du contrat de franchise;
- déboute la société Kadima de l’intégralité de leurs demandes en dommages et intérêts.
Si, en définitive, la solution retenue par la Cour d’appel de Paris a les mêmes conséquences que le jugement de première instance pour la société Esprit, il convient de s’attarder sur la motivation de l’arrêt relative à la recevabilité de l’exception de nullité soulevée postérieurement à l’exécution, puis la résiliation amiable du contrat de franchise. En effet, sur ce point, la Cour, tandis que la société Esprit soutenait que « le contrat étant résilié d’un commun accord, le franchisé ne peut plus remettre en cause sa validité à raison d’un prétendu manquement du franchiseur à son obligation précontractuelle d’information » retient que « dès lors qu’elle est exercée dans le délai de prescription, l’exception de nullité d’un contrat reste recevable même si le contrat est résilié, peu important à cet égard qu’il l’ait été d’un commun accord dès lors qu’il ne ressort d’aucun élément, comme en l’espèce, que les parties aient entendu expressément renoncer à l’invoquer. »
La lecture de cet arrêt démontre, s’il en était besoin, l’intérêt pour une partie de formaliser et faire formaliser par son cocontractant la renonciation à toute action future dans le cadre de l’acceptation d’un rééchelonnement de paiement d’une dette et/ou de la résiliation amiable d’un contrat.
Le cas échéant, cette renonciation pourra intervenir par la voie d’une transaction au sens de l’article 2044 du code civil, laquelle, lorsqu’elle est correctement rédigée, « fait obstacle à l’introduction ou à la poursuite entre les parties d’une action en justice ayant le même objet » (article 2052 du code civil).
A rapprocher : articles 2044 et 2052 du Code civil