Vu dans El Watan un paragraphe sur Samy Boukaila, PDG de BKL Industries, qui a créé son propre réseau algérien dans la fabrication de fenêtres et de vitrages isolants. Il est convaincu que la franchise est un « moyen de se développer, de transférer l’expérience et le savoir-faire étrangers aux entrepreneurs algériens et d’apprendre à ces derniers à travailler selon des standards qui vont servir au mieux la clientèle». Rappelons qu’un des griefs fait aux commerçants algériens est une qualité de service insuffisante.
Actuellement l’Algérie ne dispose d’aucune loi régissant la franchise – mais est-ce vraiment le problème? – et l’association algérienne de la franchise n’a toujours pas d’existence légale car elle est toujours en cours de formation depuis des années, la réglementation sur les associations étant particulièrement contraignante en Algérie notamment pour des raisons de sécuité anti-terrorisme. Mais le vrai problème est que les transferts de droits d’entrée et de royalties sont soumis à une autorisation de la banque d’Algérie. Nous pensons que l’absence de loi ou d’association ne sont que des conséquences des hésitations de l’Algérie à ouvrir ses frontières et à libéraliser les échanges pour freiner la fuite des capitaux.
La banque d’Algérie peut autoriser ou refuser le transfert des royalties aux franchiseurs étrangers. Les demandes étant étudiées au cas par cas, une enseigne internationale peut voir son règlement bloqué en Algérie, explique, dans El Watan, Laurent Delafontaine, membre du collège des experts de la Fédération française de la franchise. Il ajoute que cette pratique est « contraire au système de la franchise et de la règle de rémunération de la tête de réseau » ce qui est une évidence.
Afin de contourner cet obstacle majeur, les deux parties au contrat de franchise ont deux solutions principales d’après nous :
1) supprimer les redevances et augmenter le prix des produits vendus par le franchiseur au franchisé ce qui est possible dans certaines franchises de distibution de produits mais pas dans les services. Notons cependant que cela incite le franchisé algérien à contourner le canal officiel d’approvisionnement pour payer moins cher. Il faut donc que les produits soient identifiables, nécessaires aux franchisés et que le contrôle soit strict.
2) créer un contrat séparé de service et d’assistance technique comme le souligne El Watan et les professionnels savent que c’est exact sans que cela ne consitue une fraude, bien au contraire puisque ce n’est qu’une adaptation à la réglementation en décomposant ce qui compose la justification de la redevance globale en éléments justifiés aux yeux du franchiseur comme du franchisé comme de la banque d’Algérie.
Malheureusement, la pratique des baux commerciaux ne protège pas assez le locataire face au risque de non-renouvellement du bail et face aux augmentations de loyer. Or, en dehors des centres commerciaux récents, les locaux sont souvent en mauvais état et nécessiteraient des travaux que le commerçant, franchisé ou non, rechigne à faire car il ne maîtrise ni le prix futur du loyer, ni une durée de bail suffisante pour sécuriser suffisamment ses investissements dans les travaux d’aménagement de sa boutique.
Un autre problème existe. Il s’agit du respect du contrat par les entrepreneurs algériens. L’usage veut qu’on s’arrange, qu’on parlemente, qu’on négocie, qu’on change d’avis, qu’on pense qu’on pourra fair ce qu’on veut même avec un contrat signé. Le même problème existe dans les pays voisins du Maghreb; là aussi les franchisés ont tendance à signer des contrats sans les lire sérieusement, en pensant qu’on va pouvoir s’arranger plus tard. Mais bien entendu, le franchisé d’Oran et celui d’Alger veulent souvent des libertés différentes et contradictoires qui détruiraient l’image de marque de l’enseigne si le franchiseur n’y mettait pas des freins.
Dans El Watan, Samy Boukaila, qui fédère aujourd’hui un réseau composé de 7 franchises affirme que le développement de franchises nationales ne peut se faire sans un développement de franchises internationales car «il y a un apprentissage à faire». Il met en avant l’apport bénéfique qu’aura le transfert du savoir-faire étranger. L’entrepreneur algérien va apprendre «à codifier son savoir et à structurer son travail pour devenir lui-même franchiseur».
Et il a mille fois raison, pour que l’Algérie puisse devenir exportatrice, pour que son commerce ne soit pas sur la défensive, il faut que ce commerce se mette au niveau de satisfaction des consommateurs que les grandes chaînes internationales ont atteint et pour cela il y a un seul moyen : accepter que les franchiseurs étrangers développent leurs réseaux en Algérie et rapatrient leurs redevances. C’est la présence des chaînes étrangères qui obligera le commerce algérien à se mettre à niveau dans l’intérêt du client. Et le paradoxe, c’est que les franchiseurs étrangers formeront souvent, involontairement il est vrai, leurs futurs concurrents et les salariés de leurs futurs concurrents en plus de leurs propres franchisés ! N’est-ce pas ainsi que cela se passe dans tous les pays ?
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