Marc Lanciaux est un avocat spécialiste de la franchise. Il est membre du collège des experts de la Fédération Française de la Franchise et du Franchise Business Club. Diplômé d’études approfondies en droit de la distribution, Marc Lanciaux intervient dans le domaine de la franchise depuis 1990.
A quoi sert un contrat de franchise ?
Dès lors qu’une relation entre un réseau et un affilié regroupe ces trois éléments (marque, savoir-faire, assistance) alors nous sommes en présence d’un contrat de franchise, peu importe le titre du contrat ou son intitulé. A l’inverse un contrat dit ‘’de franchise’’ n’en serait pas un s’il manquait l’un des éléments cités.
Comme tout contrat, le contrat de franchise a avant tout vocation à encadrer les relations entre les signataires, c’est à dire entre franchiseur et franchisé. Pour faire simple disons que le contrat de franchise va établir la règle du jeu, il va définir ce que chaque partie peut faire et ce qui lui est interdit, ce que chaque partie pourra réclamer et attendre de l’exécution de la franchise et ce qu’elle devra apporter ou fournir en contre partie
Quelle est la définition d’un contrat de franchise ?
Le contrat de franchise a aujourd’hui cet avantage d’être bien encadré par le droit et la jurisprudence. C’est même probablement le contrat de distribution en réseau qui bénéficie de la définition juridique la plus claire. Sans entrer dans le détail des textes et des décisions, disons simplement que le contrat de franchise se définit par la réunion de trois éléments :
– Le franchiseur accorde au franchisé l’usage commercial de ses marques et logos,
– Le franchiseur transfère vers le franchisé un savoir-faire qui devra être appris et maîtrisé pour permettre la bonne exécution du contrat de franchise,
– Le franchiseur assure au franchisé une assistance concrète tout au long de l’exécution du contrat. Cette assistance aura notamment pour objectif de s’assurer que le savoir-faire transmis a été parfaitement assimilé par le franchisé et qu’il est donc correctement reproduit sur le terrain.
Quelles sont les principales qualités d’un contrat ? Que doit-il contenir ?
Il est difficile de dire par avance ce que doit précisément contenir un contrat de franchise. En effet, le contenu peut varier considérablement en fonction de paramètres essentiels :
– L’activité exercée tout d’abord. Le contrat d’une chaîne de restauration sera nécessairement distinct du contrat d’un réseau d’agents immobiliers, tout simplement parce que les métiers exercés ne sont pas les mêmes. Or, le contrat a avant tout pour objet d’encadrer l’exercice professionnel du franchisé (management, gestion, méthodes commerciales, contacts partenaires et clientèle, …) ainsi que les apports et services proposés par le franchiseur. Comme on le comprend tout cela varie selon l’activité du réseau.
– La politique de gestion du réseau par le franchiseur. Certains réseaux estiment que leurs affiliés sont avant tout des commerçants indépendants et par voie de conséquence ces réseaux sont prêts à laisser une plus grande liberté d’action ou de décision dans l’exercice de leur activité. D’autres réseaux au contraire estiment qu’il est indispensable à la réputation de leur image commerciale, que le savoir-faire transmis soit très strictement respecté par les adhérents. Dans ces conditions on se trouvera probablement en présence d’une franchise plus directive et d’un franchiseur plus présent dans le contrôle.
L’une et l’autre des deux formules sont justifiées. Il faut ensuite veiller à ce que l’une comme l’autre (selon les choix du réseau) soient mises en pratique de manière cohérente. Une fois ces choix de départ effectués, la principale qualité d’un contrat de franchise est avant tout (à mon sens) la recherche et le maintien d’une relation équilibrée. Chaque obligation (dans un sens ou dans l’autre) doit être justifiée par le souci du bon fonctionnement du réseau en général et de chaque franchisé en particulier. Si cet objectif est atteint, la plupart des franchisés acceptent volontiers les obligations que leur impose le contrat, tout simplement parce que le respect de ces obligations par chacun des affiliés profite commercialement à tous.
Qui rédige les contrats de franchise ?
Indiscutablement un avocat spécialisé. Le droit du commerce en réseau est une matière de spécialiste. Pour l’essentiel, cette matière se fabrique à coup de jurisprudences, c’est à dire de décisions de justice rendues au coup par coup mais dont l’ensemble finit par dessiner une trame qui détermine le droit applicable au contrat de franchise. Il faut donc être informé en permanence des décisions les plus significatives. Par conséquent, il est important que le rédacteur du contrat soit au fait des toutes dernières évolutions jurisprudentielles pour pourvoir en tenir compte dans la rédaction du contrat.
Toutes les clauses sont-elles possibles ? Y a-t-il des clauses obligatoires ?
Il est difficile de répondre à cette question sans entrer dans une énumération fastidieuse et technique. Disons simplement que la loi est assez peu contraignante et laisse beaucoup de liberté aux réseaux pour adapter le contrat de franchise selon leurs choix. C’est ce qui explique que l’on peut trouver des différences notables entre deux contrats de marques différentes, même si ces deux marques interviennent sur un même secteur d’activité.
Précisons cependant qu’en France, depuis un texte récent (Loi Macron) les clauses qui ont pour effet de restreindre la liberté d’activité du franchisé après la fin du contrat sont plus spécialement surveillées (clause de non-concurrence notamment). Malheureusement, sur bien des points la rédaction de ce texte reste trop imprécise pour savoir distinctement comment tout cela doit être compris et appliqué. Il faudra (là encore) attendre la jurisprudence et donc l’interprétation des juges, pour savoir quelle est la lecture exacte que l’on doit faire de cette loi nouvelle.
Le contrat de franchise contient-il obligatoirement un droit d’entrée et des redevances
On a vu plus haut que la définition de la franchise (marque, savoir-faire, assistance) est totalement détachée de la présence d’un droit d’entrée ou de redevances. Certains réseaux de franchise n’exigent aucun droit d’entrée, d’autres se rémunèrent durant le contrat par d’autres procédés que les redevances. En tout cas, que ce soit par ces moyens (droit d’entrée/redevances) ou par d’autres (facturation de services, facturation de vente de produits,…) il est indispensable que le franchiseur se rémunère. Un franchiseur qui n’aurait pas intégré sa propre rémunération dans son modèle économique serait un danger pour lui-même et sans doute pour tout le réseau.
(Note d’AC Franchise : Dans certains pays comme la Tunisie, la loi définit que les redevances font partie de ce qui définit la franchise)
Peut-on négocier un contrat de franchise ?
Soyons clair : il n’est pas souhaitable qu’un réseau de franchise soit trop souple en matière de négociation des clauses du contrat et ce pour plusieurs raisons :
– Un réseau qui accepte que tel franchisé soit exempté de telle clause ou du versement de telle somme, court le risque de contenter celui-là et de mécontenter tous les autres qui n’aurons pas eu les mêmes avantages. Bien évidemment, cette situation est à éviter. La cohésion du réseau est aussi une force commerciale qu’il faut savoir entretenir. Très souvent, les enseignes performantes se caractérisent par un esprit d’adhésion que l’on retrouve chez l’ensemble des affiliés. Pour obtenir ce résultat, le franchiseur doit donc veiller en permanence au bon équilibre des relations qu’il entretient lui-même avec ses franchisés, mais également au bon équilibre des relations que ses franchisés entretiennent entre eux. La distinction ou la division sont donc à éviter.
– Le contrat n’est pas un élément séparé du concept élaboré par le franchiseur. Il en est une partie intégrante. Logiquement et si les choses sont bien faites, le contrat a été établi en fonction d’équilibres financiers, économiques, commerciaux, logistiques, … propres au réseau. Modifier le fonctionnement du contrat sur de trop nombreuse clauses ou sur des clauses déterminantes revient parfois à déplacer l’équilibre de tout un concept. Là encore, le principe reste à éviter.
Malgré ce qui vient d’être dit, notons cependant que quelques ajustements ou adaptations peuvent parfois être concédés si le franchiseur le juge utile. Il s’agira le plus souvent d’altérations mineures : droit d’entrée payé en plusieurs échéances, brèves remises sur les première redevances d’activité, … Les particularités doivent se limiter à ces quelques éléments.
A quel moment le franchisé a-t’il accès au contrat de franchise du réseau visé ?
En France la loi donne la réponse. L’article L.330-3 du Code de commerce indique qu’un exemplaire du contrat doit être remis en même temps que le document d’information précontractuel (souvent encore appelé ‘’document DOUBIN’’). Cette chronologie est parfaitement logique. La remise du document d’information signifie le plus souvent que que franchiseur et franchisé entrent désormais dans une phase de discussion concrète qui peut déboucher sur la signature d’un contrat. Il est donc cohérent que le franchisé dispose alors d’un exemplaire de ce contrat pour pouvoir découvrir et analyser les obligations et contraintes qu’il va devoir assumer et les prérogatives dont il va bénéficier.
En Belgique et en Tunisie aussi la loi impose un document d’information précontractuel.
Faut-il aller voir un avocat avant de se décider à signer un contrat de franchise ?
Normalement, l’intervention d’un avocat ne devrait pas être nécessaire. Un contrat de franchise correctement réalisé doit être parfaitement lisible et compréhensible même par un profane du droit. N’oublions pas (nous l’indiquions en début de notre entretien) que la vocation du contrat de franchise est de définir la règle du jeu applicable entre franchiseur et franchisé. En cas de litige, c’est donc le contrat qui va déterminer ce que l’un ou l’autre peut légitimement réclamer, les réclamations étant éventuellement soumises à l’appréciation d’un juge. Un réseau qui fonctionnerait sur la base d’un contrat tortueux, ambigu ou équivoque risquerait donc de ce mettre en danger et de courir le risque d’une interprétation défavorable de son contrat. Par conséquent, un bon contrat de franchise est nécessairement clair.
On peut cependant parfois trouver une utilité à l’intervention d’un avocat spécialisé : l’explication des causes et des objectifs des clauses du contrat. Nous disions que chaque clause doit avoir une raison d’être en fonction des objectifs commerciaux, économiques, professionnels de l’activité exercée ; dans ce cadre, l’intervention d’un avocat dans le rôle de celui qui explique les causes et les buts de chaque clause, peut permettre au franchisé d’adhérer au réseau avec plus confiance et de conviction.
(Note d’AC Franchise : Nous sommes d’un avis un peu différent de Maître Lanciaux car si nul n’est sensé ignorer la loi, en pratique il est sécurisant de consulter un spécialiste)