Ici, il s’agit véritablement d’ascension d’un entrepreneur qui commence sa carrière modestement, d’abord en vendant des petits sandwichs sur les marchés, puis en montant des kiosques dans les supermarchés. Il ouvre ensuite une première boutique en région parisienne, et sous les conseils avisés de ses clients, développera la livraison des produits au bureau.
Nous sommes en 1986. Jean-Claude Goron élabore un produit complètement différent de ce que ses concurrents proposent : des sandwichs au saumon ou au foie gras, servis par des vendeurs en uniforme élégant bordeaux, avec petit gilet et col lavallière et livrés à votre bureau par un livreur en nud papillon. Le ton est donné, un concept est né. Pourtant, malgré ce potentiel de réussite, l’envers du décor est tout autre.
En effet, aucune organisation ni logistique. Si le patron est passé en système de franchise dès 1994, il a toutefois du mal à fédérer ses collaborateurs autour d’un même projet. Pire, les relations sont telles que les franchisés décident même de monter un syndicat, ce qui ne manque pas de choquer Jean Claude Goron. C’est dans ce contexte de tourmente que ce dernier fait appel à un directeur général, à la demande du syndicat nouvellement créé.
Et ce professionnel est trouvé en mai 2000. Il s’agit de Jean-Marc Sonolet. Ce dernier, diplômé en sciences aux États-Unis et en hôtellerie à Paris, dirigeait alors un portefeuille d’une trentaine de restaurants pour un groupe financier spécialisé dans le golf. C’est justement un de ses anciens collaborateurs qui lui présentera Jean-Claude Goron. Tandis que celui-ci a l’esprit colérique et bohème, Jean Marc Sonolet affiche, quant à lui, un calme froid. C’est sans doute cette complémentarité qui explique la bonne entente immédiate entre les deux hommes. Jean marc Sonolet commence alors son activité au sein de l’entreprise en tant que directeur général dès le mois suivant.
L’homme d’affaires, âgé de 40 ans, va prendre son nouveau poste très au sérieux. D’abord, il va faire un nettoyage complet dans la gestion des succursales, réorganiser le réseau des franchisés, ainsi que les comptes fortement à la baisse, annonçant une future faillite. Sonolet obtient 800 000 francs de prêt bancaire et organise une réunion avec le syndicat toutes les deux semaines. Les comptes sont remis à flot, et la confiance des franchisés est regagnée.
Grâce à ce nouveau départ, le réseau de franchises class’croute va pouvoir se développer davantage. Il faut dire que Jean-Marc Sonolet est un homme proche de ses collaborateurs. Aussi, il n’hésite pas, dès la troisième semaine de son arrivée dans la boîte, à faire le tour de toutes les boutiques afin de rencontrer un par un les franchisés. Au même moment, il engage un directeur de réseau, Christophe Tanguy, un responsable commercial Christophe Lienard, et un gestionnaire de succursales, Jean-Philippe Gras.
Avec des comptes au beau fixe et la confiance de tout le réseau, Sonolet peut enfin acheter la boîte, son objectif initial, en menant une LBO (Leverage buy out) qu’il remporte haut la main, malgré des concurrents rudes comme Fleury Michon. En termes de chiffres, class’croute est estimée à 2,5 millions d’euros. Sonolet dépose 100 000, et cherche pour le reste une aide auprès des fonds d’investissement.
Il approche Agroplus, Unigrains et Avenir tourisme avec lesquels il conclut l’affaire en Juin 2002. Si Sonolet conserve 20% des parts, il en laisse en premier temps 10% à Goron et garde Jean-Philippe Gras comme associé. Notons que c’est justement la force du réseau et la confiance des franchisés qui a permis à Jean-Marc Sonolet de remporter la bataille contre le géant Fleury-Michon.
Malgré tous ces efforts prometteurs, le désormais propriétaire de l’enseigne n’arrive toujours pas à honorer les objectifs de son business plan. La différence, c’est que maintenant, il doit rendre des comptes aux différents groupes partenaires. Heureusement, ces derniers, compréhensifs, restent patients sur les résultats. La franchise Class’Croûte représente alors 35 points de vente basés à Paris. Ils se divisent entre des franchises et des succursales.
Le chiffre d’affaires réalisé entre les deux diffère largement, et pour cause : tandis qu’une succursale reçoit confortablement un salaire, un franchisé, quant à lui, est patron et doit faire ses preuves. Comprenant que trop bien cette différence, Sonolet décide de vendre 6 de ses succursales à des franchisés.
Aussi, il étend son champ d’action au delà de la capitale pour s’implanter en province. Il installe deux franchisés à Marseille et à Montpellier, le succès est immédiat. Le réseau se développe à grand pas !
En 2006, nouveau remaniement financier : Agroplus fait un Cash Out, et valorise ainsi la société à 6 milliards d’euros. Sonolet propose à tous ces franchisés d’investir cette part à vendre. Huit participent au capital, et un autre investisseur étranger, Courtepaille, entre dans le groupe en qualité de Business Angel. Il s’agit de Philippe Labbé, un véritable coach financier avec lequel Sonolet avait déjà collaboré dans le passé.
Aujourd’hui, la franchise Class’Croûte, ce sont 120 points de vente, et un réseau de franchises dont chaque collaborateur est considéré comme un ambassadeur de la marque. Mieux, cette dernière a réussi à se démarquer en créant un partenariat avec les banques alimentaires. Comme quoi, on peut être entrepreneur capitaliste et ne pas oublier les vraies valeurs de solidarité…
D’après le livre de Michel Delmas « la Saga des franchises » publié au cherche midi (cherche-midi.com). Ce livre retrace le parcours de 17 franchises dont l’histoire est riche d’enseignements.