Entre le flux passant des centres-villes d’une part et les grands espaces et les avantages locatifs des périphéries de ville d’autre part, les réseaux de franchise ont un choix à faire. S’il est de coutume que les enseignes cherchent à s’implanter sur les emplacements numéro 1 des centres-villes pour profiter du fameux « flux », cette logique a bien évolué durant les dernières années et beaucoup de réseaux préfèrent s’installer sur les périphéries des villes.
D’ailleurs en 2016 selon l’Insee, les commerces de centre-ville regroupaient « un tiers des magasins et un quart de l’emploi salarié du commerce » dans les grandes aires urbaines.
Les franchises en quête du « flux »
Pour certaines enseignes, la guerre centre-ville / périphérie n’a pas lieu d’être puisqu’elles permettent à leurs franchisés de s’installer aussi bien en centre-ville qu’en périphérie. Par exemple, le réseau Histoire de pains qui a été créé en 1998 et qui propose une offre de pains spéciaux, viennoiseries, pâtisseries et petite restauration, propose deux formats d’implantations. Le premier avec une gamme de produits réduite pour les centres-villes et le second axés sur la restauration assise pour la périphérie.
D’autres réseaux, quant à eux, revendiquent des concepts exclusivement à destination des extérieurs des villes tels que Courtepaille qui a vu le jour en 1962. Le réseau de 300 restaurants a su s’imposer dans l’esprit des français grâce, entre autres, à ses petites maisons rondes au toit de chaume.
Mais même Courtepaille a dû se diversifier pour toucher le coeur des villes et aller à la conquête du fameux flux. L’enseigne n’a pas hésité à décliner son concept pour s’adapter à la demande.
- La maison ronde: format généralement implanté en périphérie et placé sur un axe très passant
- « Le Comptoir Courtepaille »: concept dit de « pied d’hôtel » avec des surfaces plus réduites tout en préservant la cheminée et les tables d’hôtes et une offre libre-service pour les entrées et les desserts
- « Mon Camion Courtepaille »: un food truck proposant des burgers et des salades
- « Courtepaille Essentiel »: un mélange entre le concept classique et le Comptoir qui s’implante dans des galeries marchandes et en centre-ville, sur les aires, dans les retails et les hôtels.
Courtepaille décline ses concepts en fonction de la clientèle, de la zone géographique, des contraintes architecturales et de l’offre.
Ville et périphérie, pas si différentes qu’on pourrait le croire?
Alors qu’on pense que la ville et la périphérie se font la guerre, certaines enseignes nous prouvent le contraire.
231 East Street, par exemple, l’enseigne de burger gourmet, s’implante aussi bien en zone commerciale, en centre-ville qu’en galerie marchande. L’enseigne vient d’ailleurs de s’installer dans un retail park à Amiens Nord.
Par ailleurs, alors qu’on a tendance à associer la périphérie à une culture commerciale, plusieurs réseaux implantent dans les coeurs de villes des ambiances commerciales inspirées de la périphérie.
Actuellement, on retrouve même en ville des quartiers fonctionnant entièrement en franchise: le supermarché en pieds d’immeuble, le boulanger franchisé, le restaurateur franchisé. Un paysage qui transforme le centre-ville en un centre commercial comme un autre.
Mais les apparences ne doivent pas être trompeuses, la mort lente du commerce dans les centres-villes est bien une réalité. La situation est arrivée à une telle gravité que le gouvernement a lancé « Action coeur de ville », un plan pour la revitalisation des coeurs de villes qui concerne 222 villes.
Autre preuve de la réalité des faits, selon l’Insee dans son édition 2016 du numéro Les entreprises en France, « En 2014, les pôles commerçants de centre-ville regroupent un tiers des magasins et un quart de l’emploi salarié du commerce dans les aires urbaines de plus de 20 000 habitants bien qu’ils n’hébergent que 7 % de la population de ces aires« .
Il semblerait que c’est en périphérie que les deux tiers de magasins et trois quarts de l’emploi restants se trouvent!
Pourquoi cette migration vers la périphérie ?
Les zones commerciales en périphérie sont pointées du doigt alors qu’elles sont en réalité plus une conséquence qu’une cause. La conséquence, entre autres, de la pression locative en centre-ville pour les commerçants, et du stationnement payant, difficile et décourageant pour les clients.
Comme l’explique Michaël Cottin, le dirigeant de La Pataterie, alors qu’il y a 10 ou 15 on n’imaginait pas abandonner notre habitude d’acheter son pain quotidien en ville, chez son boulanger habituel, plusieurs boulangeries n’ont pas hésité à migrer en périphérie pour profiter de « lieux deux fois plus grands pour deux fois moins cher« .
Aujourd’hui, franchiseurs comme consommateurs voient que le centre-ville est plus à destination des concepts « premium » avec ses petits commerces alimentaires indépendants haut de gamme, sa restauration créative et ses coffee shop de spécialité.
Le centre-ville change de visage
L’Atelier parisien d’urbanisme (Apur) a livré son étude sur l’évolution des commerces et de la consommation à Paris en 2017. L’étude a révélé que le nombre de commerces parisiens est resté inchangé entre 2014 et 2017, mais cela ne signifie pas qu’il n’y a eu aucun changement, bien au contraire.
Ainsi, du côté des secteurs en hausse, l’Apur note celui des soins du corps (+ 9 %) (ongleries, salons de beauté) des supermarchés (+ 9 %) et supérettes (+ 6 %), de l’alimentaire spécialisé (produits bio, chocolatiers, torréfacteurs), des cafés et restaurants (+ 5 %) et particulièrement ceux dédiés à la restauration rapide (+ 11 %) et aux cuisines du monde.
Les activités qui diminuent sont celles du commerce de gros (- 21 %), de la réparation automobile, des librairies (- 6 %), de la presse (- 28 %) et du secteur de l’habillement (- 6 %).
L’étude n’a pas décelé de changement au niveau de l’alimentaire traditionnel, l’hôtellerie, le meuble, la téléphonie et la vente de matériel informatique.
L’exemple de Paris confirme la tendance qui veut que le centre-ville devienne la pépinière des commerces d’élite. La périphérie, quant à elle, profite d’une réorganisation du territoire que personne n’a planifié ni mis en oeuvre. Mais avec un tel dynamisme et un tel « flux », il n’est plus question de périphérie simplement! L’urbaniste François Ascher parle de «métapole», un espace intégrant la ville historique et sa périphérie alors que les Américains ont inventé le concept de «edge city», où la périphérie –la banlieue pavillonnaire, les parcs de bureau– concurrence la vraie ville au point de regrouper plus de gens et d’activités qu’elle.