L’Autorité de la concurrence a rendu le 4 juillet 2019 un avis dense (180 pages) dressant un bilan à date de l’état de la concurrence en Outre-Mer.
Constatant que les prix des produits de grande consommation demeurent élevés en Outre-Mer malgré le système de régulation mis en place par la loi dite « Lurel » en 2012 (par l’interdiction des exclusivités à l’importation) et par la loi EROM de 2017, l’Autorité de la concurrence en a recherché les causes.
Parmi celles-ci, figure le retard de développement du commerce en ligne, qui serait pourtant selon l’Autorité de la concurrence, un facteur de désenclavement des populations des DROM et de lutte contre la vie chère, en rendant accessible un plus grand nombre de produits sans qu’il soit nécessaire d’avoir un magasin physique ou du stock dans les DROM.
1. Les causes identifiées du faible développement du commerce en ligne en Outre-Mer
Selon l’Autorité de la concurrence, les principaux freins au développement du commerce en ligne sont d’ordres logistique et douanier. En conséquence, une minorité d’enseignes présentes en Métropole propose la vente en ligne aux consommateurs ultramarins.
L’Autorité de la concurrence relève que le coût d’un achat vers l’Outre-Mer peut détourner les clients.
En particulier, les frais de transport/livraison applicables – qui sont souvent très supérieurs aux frais de livraison en Métropole – découragent les consommateurs de commander en ligne.
Il en va de même du coût des frais de retour dans l’hypothèse où le consommateur souhaite faire jouer son droit de rétractation (le consommateur pouvant décider de renvoyer le produit commandé, pendant un délai de 14 jours après la livraison, sous réserve de payer les frais de retour du produit).
Ainsi, certaines enseignes préfèrent renoncer à la livraison en Outre-Mer, plutôt que de faire supporter de tels coûts aux clients.
Le paiement de l’octroi de mer, taxe spécifique, est une autre source de découragement des consommateurs, qui se considèrent par ailleurs mal informés sur le coût de cette taxe au moment de leur achat. Le manque de transparence et de prévisibilité de cette taxe au moment de la commande, est source de renoncement à une commande en ligne.
Plus généralement, l’Autorité de la concurrence remet en cause l’intérêt même de cette taxe lorsqu’elle s’applique à des produits qui ne viennent pas concurrencer des produits proposés par les vendeurs locaux, dans la mesure où l’une des raisons d’être de cette taxe est de protéger la production locale.
Les délais de livraison seraient également en cause dans le faible développement de l’e-commerce en Outre-Mer, puisque le délai moyen de livraison de 5,3 jours en Métropole, passe de 3 à 27 jours en Outre-Mer.
Enfin, l’Autorité de la concurrence considère que le règlement communautaire n°2018/302 sur le blocage géographique (ou « geoblocking »), est insuffisamment mis en œuvre et qu’il conviendrait d’aboutir à une situation où les consommateurs ultra-marins bénéficieraient de conditions non discriminatoires par rapport à celles dont bénéficient les consommateurs en Métropole.
2. Les propositions de l’Autorité de la concurrence
Pour pallier les difficultés identifiées en rapport avec l’e-commerce, l’Autorité de la concurrence formule différentes propositions destinées à favoriser le commerce en ligne auprès des clients ultramarins :
- Encourager l’envoi groupé de colis en permettant l’accomplissement d’une seule formalité douanière afin de faire baisser les coûts de livraison ;
- Vérifier que les enseignes ne font pas supporter aux consommateurs les frais de retour d’un produit au titre de la garantie légale de conformité. En effet, une telle pratique a pu être constatée, bien qu’elle soit contraire à la réglementation, le vendeur ne pouvant pas faire supporter des frais au client lorsque le retour est dû au non-respect par le vendeur de son obligation de conformité ;
Procéder à des modifications de la législation pour :
- Adapter le droit de la consommation afin d’obliger les enseignes de commerce en ligne à afficher de manière visible les taxes et octroi de mer applicables ;
- Étudier l’adoption d’un octroi de mer à taux réduit et unique pour les produits vendus en ligne ;
- Adopter une réglementation nationale reprenant les interdictions du règlement européen n°2018/302 sur le blocage géographique, compte tenu de l’incertitude quant à l’applicabilité de ce texte aux situations impliquant un consommateur ultramarin.
En effet, le règlement européen n°2018/302 sur le « geoblocking », interdit tout blocage géographique injustifié fondé notamment sur le lieu de résidence du client. Les consommateurs ultramarins devraient ainsi pouvoir accéder librement aux sites de commerce électronique et bénéficier de conditions non discriminatoires par rapport aux consommateurs métropolitains.