Dans un arrêt du 20 décembre 2017 (n°16-20.500), la chambre commerciale de la Cour de cassation rappelle le traitement favorable dont doit bénéficier le contrat de franchise au regard du droit de la concurrence, compte tenu de son objet pro-économique et pro-concurrentiel.
Un franchisé avait conclu avec son franchiseur un contrat de franchise d’une durée initiale de neuf ans, renouvelable par tacite reconduction par période de cinq ans. Ce contrat prévoyait l’obligation pour le franchisé de s’approvisionner exclusivement, pour les gammes qu’il fabriquait, auprès d’un fournisseur ayant développé un concept de fabrication de pains traditionnels au levain naturel.
Le franchisé contestait la licéité de cette clause d’approvisionnement d’exclusif au visa notamment de l’article 5 du règlement d’exemption UE n°330/2010 sur les restrictions verticales de concurrence, qui dispose que l’exemption par catégorie « ne s’applique pas aux obligations suivantes contenues dans des accords verticaux : a) toute obligation directe ou indirecte de non-concurrence dont la durée est indéterminée ou dépasse cinq ans ».
Cette contestation du franchisé paraissait vaine, la Commission européenne considérant dans ses lignes directrices accompagnant le règlement d’exemption UE n°330-2010 qu’« une obligation de non-concurrence relative aux biens ou services achetés par le franchisé ne relèvera pas de l’article 101, paragraphe 1, lorsqu’elle est nécessaire au maintien de l’identité commune et de la réputation du réseau franchisé. Dans de tels cas, la durée de l’obligation de non-concurrence n’est pas un facteur pertinent au regard de l’article 101, paragraphe 1, pour autant qu’elle n’excède pas celle de l’accord de franchise lui-même ».
Dans son arrêt du 20 décembre 2017, la Cour de cassation va plus loin en confirmant l’arrêt d’appel ayant relevé, de manière générale, « qu’en matière de franchise, les clauses qui organisent le contrôle indispensable à la préservation de l’identité et de la réputation du réseau, symbolisé par l’enseigne, ne constituent pas des restrictions de concurrence au sens des articles 101, paragraphe 1, du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et L. 420-1 du code de commerce », et, de manière spécifique, « que la clause d’approvisionnement exclusif imposée aux franchisés était nécessaire pour disposer chez chacun d’eux d’une uniformité de qualité et de goût des produits fabriqués selon un cahier des charges et un procédé propre [au fournisseur], constituant ainsi un élément décisif pour l’image et l’identité du réseau de franchise ; », de sorte que la licéité de cette clause ne pouvait être remise en cause.
En d’autres termes, conformément à ce qui avait été jugé par la Cour de Justice des Communautés Européennes dans son arrêt « PRONUPTIA » du 28 janvier 1986 (CJCE, 28 janv. 1986, aff. 161/84, Pronuptia de Paris GmbH), fondateur pour la franchise, dès lors qu’il peut être démontré que les clauses contenues dans le contrat de franchise sont directement liées à la mise à disposition du savoir-faire, à l’utilisation de la marque et, de manière large, à la préservation de l’identité et de la réputation du réseau :
•D’une part, ces clauses doivent en principe échapper à l’application des articles 101 § 1 du Traité FUE et L. 420-1 du Code de commerce qui sanctionnent les ententes anticoncurrentielles ;
•D’autre part, le franchiseur n’a pas à apporter la preuve d’un bilan économique positif au sens des article 101 § 3 du Traité FUE et L. 420-4 du Code de commerce.
Plus de 30 ans après l’arrêt « PRONUPTIA », le traitement favorable de la franchise au regard des règles de concurrence est donc toujours d’actualité.
Régis Pihéry
Avocat Associé Redlink