Il n’est pas besoin de revenir et d’insister sur le caractère particulièrement protecteur pour le salarié du contrat de travail et par voie de conséquence, sur le coût que représente la rupture d’un contrat de travail pour un employeur. Mais on aurait tort de penser que les relations commerciales existant entre plusieurs entreprises, se déroulent sous un régime d’ultralibéralisme échevelé autorisant chacune des parties à faire ce que bon lui semble, et notamment de mettre un terme aux relations commerciales qu’elles entretiennent avec leurs clients ou fournisseurs quand bon leur chante.
La jurisprudence française mue par sa sollicitude protectrice, avait depuis une vingtaine d’années, sanctionné les ruptures de relations commerciales qu’elle estimait soit trop rapides, soit trop brutales. Elle avait notamment exigé que la rupture d’un contrat soit précédée d’une mise en garde écrite. La jurisprudence avait également sanctionné les ruptures échelonnées de contrat qui permettent à un cocontractant de vider la relation de sa substance tout en maintenant de façon apparente, un contrat qui ne recouvre rien ou peu. Une telle rupture est sanctionnée par l’allocation de dommages et intérêts réparant le préjudice subi par les parties.
Le législateur a repris cette jurisprudence dans l’article L 442-6 1èrement – 5ème alinéa du Code de Commerce, qui fait interdiction de rompre brutalement même partiellement une relation commerciale établie sans préavis écrit, tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminé en référence aux usages du commerce, ou par des accords interprofessionnels. La notion de relations commerciales établies est relativement difficile à définir, mais on peut considérer qu’elle résulte de deux critères : durée et intensité. Il faut en tout cas retenir que toute rupture de relation contractuelle doit être accompagnée d’un écrit et offrir un préavis. La durée du préavis variera donc selon les usages professionnels, mais on peut estimer qu’un délai de six mois est un délai raisonnable. Il faut naturellement réserver le cas ou la rupture des relations commerciales est fondée sur une faute grave de la part du client ou du fournisseur, ce qui autorisera le cocontractant à rompre sans préavis la relation commerciale, mais toujours par écrit, et de façon motivée. Ainsi, la relation commerciale rejoint, sans cependant en atteindre les excès, les principes qui gouvernent la rupture des relations de travail.
S’il est vrai que toute jurisprudence est révélatrice de l’état d’esprit d’un pays, il est permis de conclure que les français, à défaut d’être réellement frileux, sont attachés à la prévenance et à l’équité.
Gilles Piot-Mouny
Avocat associé
Juri-europ