Le projet de loi Breton est caractéristique de l’excès de réglementation qui s’installe en France pour protéger le consommateur. Il prévoit notamment l’action de groupe (class action).
Traditionnellement les activités des entreprises susceptibles d’être préjudiciables aux consommateurs sont encadrées de deux manières. Soit par une réglementation précise en matière de contrats, de non-discrimination, d’interdictions, d’impositions de délais, avec une intervention administrative forte suivant le modèles du droit continental. Soit a posteriori par l’utilisation d’actions judiciaires qui tendent à protéger en aval les droits des consommateurs, c’est le modèle américain qui accorde une large place à l’action de groupe.
Dans le premier cas les règles sont bien connues à l’avance et le système est prévisible. Les entreprises peuvent donc éviter les sanctions en se conformant au droit. Dans le second cas, ce sont les consommateurs eux-mêmes qui deviennent une menace constante de sanctions en réparation du préjudice et peuvent mettre les entreprises en difficulté. La Loi Breton marie les deux systèmes, il s’agit d’une véritable révolution juridique.
Certes il faut améliorer l’efficacité de la justice en France mais il convient de maintenir un système a priori d’après Louis Vogel, Président de la Faculté d’Assas. Il est important de pouvoir envisager le risque juridique et anticiper pour chacune des parties. Pour un litige dont le montant est dérisoire il n’appartient pas à la loi de favoriser de manière excessive le recours aux juges. La loi du marché s’exerce et un consommateur insatisfait l’amène à se détourner de l’entreprise qui n’a pas su répondre à ses besoins. Le champ de la loi est restreint au préjudice matériel et l’exclusivité de la plainte est réservée aux seules associations de consommateurs.
Cela montre bien que le gouvernement cherche à éviter les effets pervers de l’action de groupe tout en répondant à la pression des consommateurs. Il serait préférable d’améliorer le système actuel trop lent. Le système judiciaire, d’après M. Vogel, est déjà surchargé, il serait plus économique d’améliorer les procédures existantes. Aux Etats-Unis il y a un nombre incalculable de contentieux et cela coûte beaucoup d’argent qui disparaît dans les frais juridiques. Le système des actions de groupe reste d’ailleurs assez peu répandu, en Europe il y a la Suède et le Portugal qui l’ont adopté. En Grande-Bretagne il existe un système de regroupement d’actions individuelles. En Allemagne il existe un loi relative uniquement à l’information financière.
Quant à la Commission Européenne, elle a mis au point un livre vert sur les actions en dommages et intérêts pour infraction aux règles sur les ententes et les abus de position dominante qui préconise un recours aux class actions. On peut penser que le droit du consommateur est en train de prendre le pas sur celui du citoyen. Le citoyen existait grâce à la relation qu’il avait avec l’Etat, aujourd’hui l’Etat est en recul, on assiste à l’émergence du consommateur.
Vu dans LSA N°1983