En début d’année 2015, dans le cadre des premières discussions sur la loi Biodiversité, le gouvernement avait proposé 2 mesures dirigées spécialement vers la distribution.
L’une consistant à imposer des toitures « écologiques » sur les bâtiments commerciaux, l’autre à réduire encore le ratio surface affectée au stationnement / surface de plancher créée alors que la loi Alur venait déjà diviser celui-ci par deux.
A la suite d’une assez vive opposition des professionnels qui considéraient comme relativement anormal que des contraintes soient imposées spécialement aux commerces mais pas aux autres activités, ces sujets avaient été retirés du projet de loi.
Ils reviennent toutefois par le biais d’amendements déposés devant l’Assemblée Nationale.
Les Ecologistes poussent vers des mesures extrêmement concrètes, le gouvernement s’emploie à ménager une certaine souplesse dans la mise en œuvre d’un nouveau dispositif.
Le résultat figure à l’article 86, V°, de la loi sur la Biodiversité du 8 août 2016.
Selon le nouveau texte, « pour les projets mentionnés à l’article L.752-1 (c’est-à-dire pour les projets soumis à CDAC) du code de commerce, est autorisée la construction de nouveaux bâtiments uniquement s’ils intègrent :
– Sur tout ou partie de leur toiture et de façon non exclusive, soit des procédés de production d’énergie renouvelable,
– soit un système de végétalisation basée sur mode cultural garantissant un haut degré d’efficacité thermique et d’isolation et favorisant la préservation et la reconquête de la biodiversité, soit d’autres dispositifs aboutissant au même résultat,
– Sur les aires de stationnement, des revêtements de surface, des aménagements hydrauliques ou des dispositifs végétalisés favorisant la perméabilité et l’infiltration des eaux pluviales ou leur évaporation et préservant les fonctions écologiques des sols ».
Il convient de reprendre les 2 points.
1. LES TOITURES
Les négociations parlementaires, visant à faire passer une contrainte nouvelle aboutissent à un texte assez peu cohérent pour le juriste puisqu’il oscille entre l’incitation et la contrainte tout en laissant ou donnant l’impression de laisser au porteur de projet une vaste marge de manœuvre.
En premier lieu, les nouveaux dispositifs doivent se développer sur « tout ou partie de leur toiture ».
On pourrait être tenté de considérer que la mise en place d’un petit équipement sur une grande toiture répond aux exigences du texte.
Tel qu’il est rédigé, pourquoi pas, d’autant qu’aucun décret d’application n’est prévu pour en préciser les contours.
Il ne faut toutefois pas se faire d’illusion.
Lorsque le projet viendra devant la CDAC, et surtout devant la CNAC, les Commissions forgeront leur propre appréciation et exigeront, selon toute vraisemblance, le traitement d’une partie significative de la toiture.
La mention « de façon non exclusive » visait à priori à donner de la souplesse au porteur de projet.
Au demeurant, l’intention du législateur, telle qu’exprimée par le rapporteur lors de la séance du 8 mars 2016 à l’Assemblée, était nettement différente.
En effet, à la question de savoir si la végétalisation et les procédés de production d’énergie renouvelable pouvaient être utilisés conjointement, le rapporteur répond « si, puisqu’il est écrit que ces procédés peuvent être utilisés de façon non exclusive » ; ce qui est une possibilité pour le rapporteur est plutôt rédigé en forme d’obligation dans la loi.
Tel que l’article est rédigé aujourd’hui, on doit comprendre qu’en réalité, le porteur de projet devrait mixer les techniques et ne pas développer un outil de développement durable uniforme.
Par exemple, une toiture végétalisée, et rien d’autre serait un système exclusif donc contraire aux textes…
Au-delà, 3 techniques sont envisagées :
1 Des procédés de production d’énergie renouvelable : on pense bien sûr à du photovoltaïque, ont également été citées des éoliennes,
2 Un système de végétalisation basé sur un mode cultural garantissant un haut degré d’efficacité thermique et d’isolation et favorisant la préservation et la reconquête de la Biodiversité : clairement, le législateur ne veut pas d’une toiture végétalisée de quelques centimètres, qui faute d’entretien, sera morte au bout de quelques semaines.
Dans le cadre des débats, le porteur de l’amendement indique « il ne s’agit évidemment pas de simple tapis vert mais de toiture végétalisée de plusieurs dizaines de centimètres dont les atouts sont nombreux : isolation du bâtiment, lutte contre les ilots de chaleur donc adaptation de la ville au changement climatique, la meilleure intégration des bâtiments au paysage en évitant une minéralisation excessive, mais surtout, et ce surtout ce qui nous importe dans ce projet de loi, la reconquête de la Biodiversité dans des zones artificialisées et une meilleure gestion des eaux pluviales puisque la capacité d’absorption des toitures limite le ruissellement et donc les quantités d’eau qui sont à gérer par les bassins de rétention ».
Mme Ségolène ROYAL indique pour sa part « que les toitures végétalisées peuvent faire économiser 45% d’énergie et stocker des eaux de pluie ».
Le porteur de l’amendement, Mme ABEILLE (…) a en outre déclaré « bref, ce dispositif présente de très nombreux avantages pour un coût qui est faible, voire inexistant ».
Pour être prise en compte, une toiture végétalisée devra donc être significative et il faudra expliquer ce qui va y être planté et comment elle sera entretenue.
L’objectif de reconquête de la Biodiversité signifiant clairement une végétation variée et pérenne.
3 D’autres dispositifs aboutissant au même résultat. A première vue, on ne comprend pas trop de quoi il s’agit et les parlementaires non plus. Mme ABEILLE posait la question au rapporteur de la loi qui y répond : « on peut penser aux éoliennes de toiture. En tout cas, l’intérêt de cette formulation est de laisser l’avenir ouvert… »
2. LES AIRES DE STATIONNEMENT
Après avoir maintenu la rédaction issue de la loi Alur, suivant laquelle la surface des places de stationnement imperméabilisée compte pour la moitié de leur surface, un nouvel alinéa impose sur les aires de stationnement des revêtements de surface, des aménagements hydrauliques ou des dispositifs végétalisés favorisant la perméabilité et l’infiltration des eaux pluviales ou leur évaporation et préservant les fonctions écologiques des sols.
On comprend, à priori, qu’il faut aller dans le sens de la perméabilité en évitant au maximum le rejet des eaux de ruissellement dans le réseau public.
La secrétaire d’Etat POMPILI indique « la Commission a adopté une rédaction équilibrée qui, dans un esprit constructif, impose un traitement adapté des surfaces de stationnement pour favoriser l’infiltration et préserver les fonctions écologiques des sols et ce, sans imposer de techniques uniformes, de façon à respecter les diversités territoriales.
Par ailleurs, des mesures telles que préconisées ici ou qui peuvent s’y assimiler ont été prévues dans la loi Alur. Cet amendement pourrait donc être retiré ».
Devant le Sénat, le rapport de la Commission de l’Aménagement du territoire, du Développement Durable 2016 indique « en matière de places de stationnement, la comptabilisation défavorable des places de stationnement imperméabilisées est remplacée par l’obligation de prévoir des revêtements de surface, des aménagements hydrauliques ou des dispositifs végétalisés favorisant la perméabilité et préservant les fonctions écologiques des sols ».
Comme pour le point précédent, on relève bien cette fois l’obligation qui est faite de prévoir des dispositifs particuliers mais celle-ci n’est pas quantifiée : faut-il donc que toute la surface de parking extérieur réponde à ces dispositions ou pourrait-on se contenter d’une partie seulement ?
Le texte n’est pas spécialement clair et les débats pas davantage.
A la suite de la loi Alur, les opérateurs se sont lancés dans les techniques Evergreen ou similaires qui permettaient de diviser par 2 la surface effective consacrée aux aires de stationnement, étant précisé que cette division ne concerne que les espaces effectivement perméables, ce qui correspond à priori aux places de stationnement et non aux aires de circulation, qui elles, ne le sont pas.
L’utilisation, de manière significative, de cette technique va donc signifier que les eaux pluviales ruisselant du parking vont directement être intégrées dans le sol, c’est la conséquence de la perméabilité, sans le moindre traitement.
Or, lorsqu’un parking est imperméable, les eaux de ruissellement sont systématiquement récupérées et filtrées avant d’être rejetées dans le milieu naturel ou renvoyées dans le réseau public d’évacuation des eaux pluviales.
Il semble que le législateur ait intégré ce problème lorsqu’il préconise un système de récupération des eaux pluviales, préservant les fonctions écologiques des sols.
On peut donc se demander si le texte ne signifie pas la fin de l’Evergreen.
On comprend à priori que ce qui est préconisé est la récupération des eaux de ruissellement, l’acheminement vers des noues ou des bassins où elles seront épurées pour être ensuite infiltrées dans le sol, ou s’il fait très beau, évaporer naturellement.
Ce type d’ouvrage devient à priori une obligation dans les projets commerciaux.
Au moins 2 interrogations majeures subsistent.
1ère question : ce système doit-il être total ou partiel comme pour les toitures ?
Les débats, lorsqu’ils expliquent que la loi est un point de départ, et qu’il faudra aller beaucoup plus loin donne à penser que, pour l’instant, l’utilisation de ces techniques peut ne concerner qu’une partie des parkings.
2ème question : comment appliquer le ratio de 0.75 ?
La combinaison de ce texte avec le 1er alinéa de l’article L.111-19 ; un parking qui répondra intégralement aux préconisations de la nouvelle loi pourra-t-il être considéré comme perméable et voir, dans ces conditions, sa surface divisée par 2 pour apprécier le respect ou non du ratio de 0.75.
Il semble logique de répondre par l’affirmative.
Que le parking soit totalement perméable du fait des revêtements utilisés ou que les aires de stationnement soient imperméables et les eaux de ruissellement dirigées vers un ou plusieurs puits d’infiltration, le résultat est le même.
Dans une vision strictement juridique, le calcul des surfaces perméables devient beaucoup plus compliqué puisque, à proprement parlé, les places seront les places de stationnement et les voiries seront strictement imperméables.
De deux choses l’une soit :
1° C’est la fin de la mesure de tempérament prise en figurant au 1er alinéa de l’article L.111.19 (evregreen)
2° Il faut, autrement, produire une note de calcul définissant, compte tenu de sa surface, les rejets en eau que peut produire le parking et mettre en vis-à-vis la quantité d’eau qui peut être ré-infiltrée ou évaporée après traitement (noue paysagère).
Si le ratio de traitement sur la parcelle ressort à 0.5, on devrait alors considérer qu’on a affaire à un parking pour moitié perméable.
Cette solution a pour elle une certaine logique mais ne ressort ni des textes, ni des débats qui ne se sont absolument pas interrogés sur la question.
Stéphane SUZINEAU : Directeur Général de Polygone
Jean COURRECH : Avocat Associé du cabinet Courrech