Au bout de douze ans passés chez Leroy Merlin, Jean-Bernard Letessier, 41 ans, décide au début de l’année 1996 de changer de vie. Ne pouvant obtenir le poste promis de directeur de magasin, il négocie son départ et récupère sa participation convertie en actions maison (800 000 F). Neuf mois plus tard, il prend la direction d’un centre Midas à Châteauroux (Indre).
Il ne s’agit pas d’un cas isolé. Arrivés à un tournant de leur carrière, nombreux sont les cadres de la distribution parmi les candidats à l’indépendance. Bloqués dans leur évolution par la stagnation des ouvertures, usés par la pression quotidienne à laquelle ils sont soumis, ils souhaitent passer maîtres de leur emploi du temps et de leurs résultats. Les cadres sont souvent confortés dans leur décision par leur employeur lui-même. La distribution ne répète t-elle pas à ses managers qu’ils sont des patrons de PME ?
« Les cadres de la distribution nous intéressent à plusieurs titres, témoigne Jean Samper, consultant spécialisé dans le recrutement et l’orientation de futurs franchisés. Ils ont atteint un niveau de compétences et de spécialisation qui est une source d’enrichissement pour un réseau. Ils ont aussi la capacité de comprendre et d’adhérer à une politique commerciale tout en acceptant ses contraintes et ses avantages. »
Mais ils ont toutefois un défaut : ils s’évaluent à un niveau parfois supérieur au leur. Ce qui les amène à prendre des risques plus importants que d’autres cadres. « La culture d’entreprise est si forte dans certains groupes de distribution qu’un ancien salarié confond sa valeur personnelle avec celle du groupe auquel il appartenait », explique Jean Samper. Il devra donc se livrer à un examen de compétences approfondi avant de se lancer et de déterminer le type de franchise qui lui convient.
A ce stade intervient aussi un facteur non négligeable : la capacité d’investissement. Et même si la distribution permet plus facilement qu’un autre secteur de se construire un capital – elle rémunère ses managers pour partie en intéressement et en participation -, certains reculent devant les sommes considérables qu’il faut investir pour s’installer à son compte.
Ce n’est pas le cas de Christian Derely, 41 ans, qui a cependant préféré rejoindre un réseau d’indépendants plutôt qu’une franchise. Après seize ans d’expérience du commerce, dont dix dans la grande distribution, ce père de famille a décidé de s’associer en juillet au groupement Mr.Bricolage. « La plupart des réseaux de franchise demandent entre 600 000 et 1 million de francs d’apport personnel, explique-t-il. Ne disposant pas de ce capital, j’ai dû renoncer à la franchise mais pas à mon envie d’avoir ma société ! J’ai eu la chance de rencontrer les responsables de Mr.Bricolage qui m’ont proposé de prendre une participation minoritaire dans un magasin. » Aujourd’hui, Christian Derely est à la tête d’un point de vente de 3 000 m2 à Cherbourg et dirige 24 employés. Ses atouts pour convaincre ? Sa connaissance du commerce, son expérience du management, de la gestion, de l’animation d’équipe de vente et des achats. Sans oublier son affinité naturelle avec le bricolage et son apport de 350 000 F.
Dernier atout du candidat issu de la distribution : sa famille adhérera d’autant plus facilement au projet qu’elle connaît déjà les contraintes liées au commerce (horaires, déménagement, investissement personnel). « Si le mariage a tenu jusque-là, conclut Jean Samper, il résistera au changement de vie qu’occasionne ce nouveau départ. »
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