Les mots latins intuitu personae, en jargon juridique, signifient « en considération de la personne ». Ils stipulent qu’un contrat de franchise est signé avec une personne physique ou morale, désignée en fonction de la partie concernée (franchiseur ou franchisé). Pourquoi intégrer de telles clauses ? Quelles sont leurs conséquences pour le franchiseur ou le franchisé ? Notre article vous aide à y voir clair, même si vous ne parlez pas latin !
L’intuitu personae : un garde-fou bénéfique au franchiseur
Intrinsèquement, la franchise est une relation de confiance mutuelle entre franchiseur et franchisé, qui se choisissent réciproquement afin d’œuvrer sans relâche pour atteindre leur objectif commun.
Les clauses intuitu personae, quant à elles, sont des dispositions importantes permettant au franchiseur de s’assurer que le franchisé a les compétences, l’expérience, la réputation et la solvabilité nécessaires pour exploiter l’image de l’enseigne qu’il a choisie. Elles doivent par ailleurs être clairement stipulées dans le contrat de franchise. Pour finir, il est essentiel de ne pas les utiliser de manière abusive ou discriminatoire, seules celles dites « légitimes » sont retenues.
Que risque-t-on lorsqu’on ne respecte pas l’intuitu personae ?
Son non-respect peut entraîner une résiliation du contrat pure et simple, mais ce n’est pas tout. La partie lésée est en mesure de demander des dommages et intérêts en raison du préjudice subi. Vous l’aurez compris, ce type d’engagement n’est donc pas à prendre à la légère.
Quelle partie est concernée ?
L’intuitu personae est rarement bilatéral, il peut concerner un seul des co-contractants. Le plus souvent, il s’agit du franchisé. Et pour cause, lors de la conclusion du contrat, celui-ci se veut par défaut intuitu personae envers le franchisé.
Le franchiseur justifie souvent cette clause par le fait qu’il a accepté de confier son enseigne à un individu dont il a pu juger les aptitudes et la personnalité. C’est à cet individu et à personne d’autre que l’accord a été donné et que le savoir-faire du franchiseur a été transmis. Dans la plupart des contrats de franchise, l’intuitu personae est à sens unique. La clause concerne le franchisé qui s’engage en qualité de personne physique, mais ne s’applique pas au franchiseur. Une précision mentionnée noir sur blanc pour éviter tout malentendu.
Par ailleurs si vous envisagez de léguer plus tard votre affaire à un parent, vous pouvez demander que son nom figure sur le contrat de franchise afin de faciliter la transmission. Un associé peut aussi y apparaître. Enfin sachez que la clause intuitu personae s’avère parfois limitée dans le temps. Elle peut être subordonnée aux résultats de l’entreprise et suspendue en cas de réussite. Cette formule est rare, mais intéressante.
Dans certains contrats, la clause intuitu personae est réciproque et bénéficie également au franchisé. Si la société du franchiseur change de mains parce qu’elle est rachetée ou restructurée avec de nouveaux partenaires, le franchisé se retrouve en face de personnes inconnues, même si la société franchiseur reste la même. Pourtant, le franchisé n’a pas la possibilité de quitter le réseau tant que le repreneur respecte les termes du contrat. Grâce à l’intuitu personae, les cartes sont redistribuées.
Concrètement :
- pour le franchiseur, l’intuitu personae s’applique à la personne morale et non au dirigeant ;
- pour le franchisé, cette même clause est liée à sa personne physique.
Des dispositions aux répercussions significatives
Cette clause va entraîner des conséquences importantes dans plusieurs situations, du côté du franchisé :
- s’il constitue une société, par exemple, une SARL ;
- si, au cours du contrat, il entend faire entrer un nouveau partenaire majoritaire dans sa société ;
- s’il souhaite céder son affaire ;
- etc.
Le franchiseur est en mesure de s’y opposer en considérant qu’il n’a pas signé avec un inconnu. En outre, il peut considérer qu’il y a une rupture du contrat dans la mesure où il a concédé son enseigne au franchisé lui-même, et non à un héritier ou un repreneur. On a donc intérêt à préciser les limites de l’intuitu personae. En bref, s’il souhaite céder son contrat de franchise ou modifier son capital, le franchisé a impérativement besoin de l’aval de son franchiseur.
Côté franchiseur, l’intuitu personae a un fort impact en cas de fusion de l’entreprise franchisée.
Un intuitu personae réciproque, le calcul gagnant-gagnant ?
La signature de clauses intuitu personae réciproques peut éviter de mauvaises surprises mais il faut aussi tenir compte de la facilité à quitter le réseau, qui peut être un inconvénient lorsqu’un franchisé souhaite y rester mais que d’autres s’en vont et l’affaiblissent.
Néanmoins, cela se négocie dans certains réseaux. En tout cas, un franchisé peut toujours essayer d’exiger la réciprocité. Ainsi, il ne sera pas tenu de suivre un repreneur ou de subir une restructuration interne tout en sachant que cela peut se retourner contre lui.
Que retenir de l’intuitu personae en franchise ?
Pour conclure, l’intuitu personae est une formule intéressante mais pas obligatoire. Sans clause explicite dans le contrat de franchise, l’intuitu personae vaut pour le franchisé. Elle peut faire sens mais cela dépend des situations, du type de marché, ou en encore des profils du franchiseur et du franchisé.
L’essentiel est d’entretenir une communication claire afin d’établir une relation franchiseur-franchisé de confiance dont chacun pourra profiter, avec ou sans intuitu personae.