La Loi ROYER de 1973 n’avait pas envisagé la réalisation simultanée ou successive de plusieurs établissements commerciaux constituant un ensemble économique. L’assujettissement à autorisation se basait sur un raisonnement cellule par cellule.
L’administration a assez rapidement perçu la faille et la circulaire de 1976 a introduit une notion d’ « unité économique » qui sera entérinée par la jurisprudence avec un Arrêt du Conseil d’Etat du 06 mai 1985 et la reconnaissance de la notion d’ « unité économique d’ensemble ».
C’est la Loi Doubin du 31 décembre 1990 qui a fixé le cadre juridique de ce qui s’appelle désormais « l’ensemble commercial ». La définition de l’ensemble commercial figure aujourd’hui à l’article L.752-3 du Code de Commerce. Pour qu’il y ait ensemble commercial, deux conditions doivent être réunies :
1) L’unité de site
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2) Un de ces quatre critères alternatifs : lorsque les bâtiments
• Ont été conçus dans le cadre d’une même opération d’aménagement foncier, que celle-ci soit réalisée en une ou plusieurs tranches (ZAC)
• Ou bénéficient d’aménagements communs conçus pour permettre à une même clientèle l’accès des divers établissements
• Ou
font l’objet d’une gestion commune de certains éléments de leur exploitation, notamment par la création de services collectifs ou l’utilisation habituelle de pratiques et de publicités commerciales communes
• Ou sont réunis par une structure juridique commune, contrôlée directement ou indirectement par au moins un associé, exerçant sur elle une influence au sens de l’article L.233-16 (du Code de Commerce) ou ayant un dirigeant de droit ou de fait commun
1) L’unité de site
« Sont regardés comme faisant partie d’un même ensemble commercial, qu’ils soient ou non situés dans des bâtiments distincts, qu’une même personne en soit ou non le propriétaire ou l’exploitant, les magasins qui sont réunis sur un même site ».
Pas plus le législateur, que la doctrine ministérielle, n’ont véritablement donné de définition du site. Au travers de quelques Arrêts, on comprend qu’il y a unité de site lorsqu’il est raisonnablement possible d’aller à pied d’un magasin à un autre. La présence d’une voie publique ne rompt pas l’unité de site lorsqu’il est aisément possible de la franchir. Jusqu’à une distance de l’ordre de 200 mètres, on peut considérer que deux magasins relèvent du même site.
2) Les quatre critère alternatifs
a) « Soit ont été conçus dans le cadre d’une même opération d’aménagement foncier, que celle-ci soit réalisée en une ou plusieurs tranches ».
L’opération d’aménagement foncier couvre au premier chef l’appartenance à un même lotissement ou à une même ZAC (la technique du lotissement était en effet la plus habituellement utilisée pour frauder la Loi ROYER antérieurement à 1990).
Le permis valant autorisation de diviser est également entendu par la circulaire du 31 juillet 1991 comme une opération d’aménagement. Le critère est donc a priori relativement simple.
Le point le plus délicat est l’application ou non du texte dans des opérations d’aménagement anciennes : des terrains ont appartenu à un même lotissement ou à une même ZAC, 20 ans après peuvent-ils être de ce fait considérés comme appartenant au même ensemble commercial ?
A notre sens, tant que la ZAC n’a pas été clôturée ou tant que le lotissement existe, c’est-à-dire dans les 10 ans suivant la délivrance de l’autorisation (article L.442-9 du Code de l’Urbanisme) la notion de l’ensemble commercial doit être retenue.
Au-delà, l’existence d’une ZAC clôturée ou d’un lotissement caduc devrait être sans incidence.
La situation est plus confuse pour le permis valant autorisation de diviser car une fois que les constructions ont été réalisées, il n’a pas de durée d’existence particulière.
La difficulté est par exemple la suivante : Un permis de construire, d’ailleurs valant autorisation de diviser ou pas, est délivré et autorise l’édification de plusieurs bâtiments ; certains bâtiments sont destinés à usage commercial et font l’objet d’une CDAC.
Un bâtiment est à vocation de service. 5 ans ou 10 ans plus tard, son propriétaire envisage d’y créer un commerce de détail, la seule appartenance initiale à un même permis de construire justifie-t-elle, et jusqu’à quand l’intégration dans un ensemble commercial ?
b) « Soit bénéficient d’aménagements communs conçus pour permettre à une même clientèle l’accès des divers établissements »
Il s’agit ici classiquement d’une voirie commune ou de parkings communs. La voirie commune doit avoir été conçue dans le cadre d’une même opération et à destination de la zone. La réalisation successive de bâtiments commerciaux le long d’une rue ou d’une route préexistante ne caractérise pas l’ensemble commercial.
c) « Soit font l’objet d’une gestion commune de certains éléments de leur exploitation, notamment par la création de services collectifs ou l’utilisation habituelle de pratiques et de publicités commerciales communes »
Il s’agit ici notamment de communauté d’enseignes d’appartenance à des centrales d’achat communes (exemple concepts E.LECLERC).
Cette organisation de publicité commune est entendue comme caractérisant l’ensemble commercial. Cet élément doit être pris avec prudence. En effet, le recours à une publicité commune par les commerçants d’un quartier ne va pas à lui seul caractériser l’ensemble commercial.
d) «
Soit sont réunis par une structure juridique commune, contrôlée directement ou indirectement par au moins un associé, exerçant sur elle une influence au sens de l’article L.233-16 (du Code de Commerce) ou ayant un dirigeant de droit ou de fait commun ».
Il s’agit ici de liaisons économiques et juridiques entre les structures dont l’application ne fait pas véritablement difficulté.
A noter que la notion d’ensemble commercial est exclue lorsque le projet s’inscrit à l’intérieur d’une ZAC créée dans un centre urbain, c’est-à-dire un quartier depuis longtemps aggloméré d’une commune ayant plus de 2.000 habitants ou à l’intérieur d’une agglomération multi-communale de plus de 2.000 habitants.
Tant que la ZAC existe, la notion d’ensemble commercial ne s’applique pas, ce qui veut dire que peuvent être librement créées ou rajoutées toutes surfaces de moins de 1.000 m² de vente.
Stéphane Suzineau directeur de Polygone et Maître Jean Courrech