CA Limoges, 9 juillet 2019, RG n°17/00909
Par Justine GRANDMAIRE, avocate au sein du département Distribution Concurrence Consommation du cabinet Simon Associés
Le franchisé engage une action à l’encontre du franchiseur aux fins d’obtenir la résiliation du contrat de franchise aux torts exclusifs du franchiseur, en faisant état d’un certain nombre de manquements commis par la tête de réseau. Or, le fait de faire état de difficultés n’est pas suffisant : il est nécessaire que le franchisé puisse établir la réalité des manquements commis par son cocontractant.
En mars 2012, la société M signe un contrat de franchise avec la société P, laquelle est à la tête d’un réseau de restauration.
Cinq années après la signature du contrat de franchise entre les parties, le franchisé assigne le franchiseur aux fins d’obtenir la résiliation dudit contrat aux torts exclusif du franchiseur ainsi que le versement d’indemnités en découlant. Le franchisé fait état d’un certain nombre de griefs à l’égard du franchiseur et lui reproche notamment : un manque d’assistance lorsqu’il a rencontré des difficultés économiques avec son bailleur, un manquement à son obligation de réussite commerciale, et un modèle économique non viable.
En première instance, le tribunal de commerce déboute le franchisé de ses demandes.
Les juges du fond confirment la position retenue par les premiers juges
S’agissant du manque d’assistance : les juges du fond relèvent tout d’abord les comptes-rendus de visites réalisés par la tête de réseau, les recommandations de cette dernière, et les propositions de formation, qui établissent que cette dernière a réalisé un accompagnement de son partenaire. Les juges du fond soulignent ensuite que, si le contrat de franchise indique que le franchiseur assistera le franchisé « pour tout problème pouvant être rencontré dans le cadre de l’exploitation du concept (…) », cela ne peut inclure « les difficultés de trésorerie auxquelles le franchisé peut être le cas échéant confronté au cours de son exploitation ». Il convient en effet de rappeler que si le franchiseur est tenu à un devoir d’assistance à l’égard du franchisé dans le cadre de l’exercice de son activité sous l’enseigne, il n’est pas tenu pour autant à un soutien financier à son égard, contrairement à ce que tente une nouvelle fois d’obtenir un franchisé.
S’agissant du manquement à l’obligation de réussite commerciale, les juges du fond rappellent ce qui suit : « Si le principe de la franchise consiste en la reproduction par les franchisés du modèle de réussite du franchiseur, le contrat de franchise ne comporte à la charge de ce dernier aucune obligation de réussite commerciale de son cocontractant, puisqu’il se caractérise par la transmission d’un savoir-faire original effectuée par une assistance technique et commerciale et l’octroi d’un droit d’user d’une marque tout au long de l’exécution du contrat, moyennant le paiement d’une redevance, et que le bon usage de ce savoir-faire afin d’atteindre la réussite commerciale attendue repose sur la propre aptitude du franchisé à développer son activité commerciale par sa capacité à reproduire et respecter ce savoir-faire ».
En effet, le franchisé est un commerçant indépendant auquel le franchiseur transmet son savoir-faire afin qu’il puisse le reproduire et l’exploiter au mieux. Si le franchisé rencontre des difficultés dans l’exercice de son activité, il ne peut, de ce seul fait, en faire peser la charge intégrale sur le franchiseur, il est pour cela nécessaire qu’il puisse démontrer de réels manquements commis par la tête de réseau.
S’agissant du modèle économique non viable : le franchisé produit divers documents (notamment des échanges de mails entre franchisés du réseau, et entre le franchiseur et la société M) mais les juges du fond rappellent que « si ces documents établissent l’existence d’une contestation (…), ils ne sont pas suffisamment probants de l’absence de viabilité du modèle économique en ce qu’ils ne sont pas objectifs (…) ».
Le franchisé fait encore état de franchisés n’ayant pas renouvelé leur contrat de franchise sous l’enseigne, tombés en procédures collectives, ou ayant déposé l’enseigne et, si les juges du fond relèvent que ces éléments démontrent une baisse des résultats, ils ne permettent pas de considérer que « les difficultés d’exploitation, même à considérer qu’elles sont généralisées, sont, même partiellement, générées par l’absence de viabilité du modèle économique franchisé. »
Cet arrêt est ainsi l’occasion de rappeler que, si un franchisé rencontre des difficultés dans l’exploitation de son activité sous enseigne, il ne peut pas, de ce seul fait, faire peser la charge de ses difficultés sur le franchiseur. Il est nécessaire, pour cela, qu’il puisse démontrer des manquements réels commis par la tête de réseau, ce qui n’a pas été le cas en l’espèce.
A rapprocher : CA Paris, 20 décembre 2017, n°17/00909