Les franchiseurs ont des besoins de développement et savent se vendre. AC Franchise vient de lire dans la presse économique un guide pour ne pas se tromper qui est très imparfait et contestable et nous avons donc demandé à Jean Samper, dans la franchise depuis 1975, de répondre à nos questions.Fondateur du Franchise Business Club et membre du collège des experts de la fédération française de la franchise, il a aussi été franchisé dans la publicité et pendant 13 ans un des responsables de la franchise France puis Export chez le plus ancien franchiseur européen.
AC Franchise : Une fois en relation avec un franchiseur qui nous fait envie, peut-on se fier au document d’information précontractuel ?
Jean Samper : Les documents d’information pré-contractuels fournis par le franchiseur sont des sources de questions, pas seulement des réponses.
- En France, depuis la loi Doubin du 31 décembre en 1989 (désormais article L330-1 du code de commerce) et son décret d’application du 1er Avril 1991, les franchiseurs et réseaux « similaires » doivent fournir un document d’information pré-contractuel aux candidats en France au moins 20 jours avant de signer.
- En Belgique, c’est la loi Laruelle modifiée par la loi du 2 avril 2014 qui impose des obligations presque identiques et en Tunisie, c’est une loi promulguée en Août 2009, avant la chute de Ben Ali.
- Maroc et Algérie n’ont pas encore ce type de loi et c’est dommage.
Le DIP à la française comprend : historique de la société, deux derniers bilans du franchiseur (pas des franchisés), liste des membres du réseau, points particuliers du contrat, état de marché national, état de marché local, coûts spécifiques à cette franchise… Il ne suffit pourtant pas à garantir la santé d’un réseau.
Un bon franchiseur acceptera de donner les chiffres d’unités existantes … lorsque vous l’aurez convaincu que vous êtes un candidat sérieux et qu’il aura envie de vous avoir dans son réseau. Il ne peut tout de même pas tout dire à n’importe qui. Plaquettes commerciales, documents d’information pré-contractuels, tout doit être compris par vous ; posez des questions, faites-vous tout expliquer. Un bon franchiseur se méfie plus de celui qui ne demande rien que de celui qui cherche à comprendre.
AC Franchise : Comment utiliser la liste des franchisés qui est dans le document d’information pré-contractuel ?
AC Franchise : Quelles précautions prendre quand on compare des bilans ?
Jean Samper : Il faut éviter les comparaisons « foireuses ». Pour savoir si les chiffres que le franchiseur donne sont fiables vous pourriez être tenté de les comparer avec celles des centres de gestion agréés (Cgaction.fr) mais c’est vraiment très, très imparfait car les centres de gestion agréés collectent les données d’entreprises plus petites que la moyenne (beaucoup en nom propre, moins en société que la moyenne des entreprises) et mélangent les franchisés et les autres. Or les franchisés font en moyenne plus de chiffre d’affaires que les entreprises qui ne sont pas en réseau. Les CGA mélangent aussi les entreprises qui ont de bons emplacements et les autres. Or les franchiseurs obligent généralement les franchisés à de meilleurs emplacements, plus chers certes, mais meilleurs. Et ne pensez surtout pas que tous les commerces ont les mêmes pourcentages de charges.
Donc pour comparer, il faut le faire avec des entreprises identifiées et comparables. Ce n’est pas facile. Votre expert comptable pourra vous y aider, peut-être, s’il a accès à des bases de données, mais exigez des explications très précises pour être certain qu’il en vous donne pas de vagues approximations et a compris les spécificités de la franchise que vous visez. Au final, c’est le bon franchiseur qui vous donnera les éléments permettant de comparer vos prévisions avec ses autres franchisés comparables et ce sont le franchisés existants qui vous diront s’ils gagnent leur vie.
AC Franchise : Comment évaluer le rapport qualité-prix de ce que le franchiseur facture ?
Jean Samper : Il faut se méfier des réseaux trop gourmands et encore plus de ceux qui ne le sont pas assez. Le principe pour le franchiseur est de développer ses parts de marché grâce aux investissements des franchisés à qui il donne en échange l’usage de la marque, des produits et services et de son savoir-faire. D’où la tendance d’une minorité de franchiseurs « prétentieux » ou « avides » à charger les redevances mensuelles ou les droits d’entrée. Vérifiez que ces montants sont supportables pour les franchisés existants et qu’ils les trouvent justifiés par leurs résultats et les avantages donnés par le franchiseur.Mais le pire ce sont les franchiseurs qui discountent les droits d’entrée et les redevances et n’ont donc plus les moyens de vous fournir les services qu’ils vous promettent … sauf s’ils gagnent leur vie sur vos achats
AC Franchise : Est-il vrai que les banques sont « de bon conseil » en franchise ?
Jean Samper : Dans un certain sens, oui, mai pas comme vous semblez le penser. J’ai lu que certains préconisent de demander conseil auprès des banques où vous allez emprunter. C’est attendre d’elles un peu plus que ce qu’elles peuvent donner ; les banques ne conseillent pas et elles ne prêtent pas non plus aux créateurs d’entreprise qui n’ont pas confiance en leur projet. Il ne faut donc pas les voir pour poser des questions mais pour répondre aux leurs.
En fait, elles refusent de prêter aussi quand elles ne croient pas au projet, soit parce qu’elles ont des informations précises sur le réseau en question, soit le plus souvent parce qu’elles manquent d’informations ou ont peur du secteur d’activité comme récemment les e-cigarettes après leur avoir beaucoup (trop ?) prêté.
Le mieux est de soumettre votre dossier à plusieurs banques différentes. Toutes possèdent un pôle spécialisé en franchise plus ou moins compétent. Obtenir un prêt est donc un signe positif mais ce n’est pas une sécurité suffisante. Certains prétendent que certaines banques sont plus sélectives que d’autres, donc plus sécurisantes…mais leur position change logiquement au gré des succès et des échecs dans leurs dossiers passés. Il faut donc se faire conseiller mais surtout demander à vos proches, à vos conseils, etc… de vous aider à vous poser les bonnes questions et de vous obliger à chercher comment y répondre.
Il faudrait aussi recourir à des consultants mais hélas les franchisés ne souhaitent généralement pas payer leurs services et se dirigent parfois vers des vendeurs de franchise multicartes qui les dirigent vers des franchiseurs qui les paient.
De notre côté, nous avons créé le Club AC Franchisés et organisons des conférences d’information pour les futurs franchisés dans les salons ou dans des journées de formation des futurs franchisés qui pour l’instant ont eu lieu à Paris et à Tunis et que nous souhaitons organiser aussi dans d’autres villes qui nous inviteront.