Ils seraient plus de 6 millions à rêver de créer leur entreprise en France. Pourtant, peu osent franchir le pas. Souvent par peur du risque. Or, la franchise peut être un bon moyen de se rassurer. « J’avais envie de créer mon entreprise, mais sans le parcours du combattant inhérent à un lancement en solo. La franchise, c’était un peu comme si, en voyage, je partais avec un tour-opérateur au lieu de prendre un vol sec », témoigne René Habas, franchisé La Mie câline à Pau. Mais tout le monde est-il fait pour la franchise ? « C’est la première question à se poser, avant même celles sur le financement, le contrat, la validité du réseau. Et c’est loin d’être le cas », reconnaît George Yana, directeur général de Troc de l’Île.
Première question, le niveau de motivation. Celui qui permettra de dépasser des obstacles insoupçonnés. Si l’appât du gain est le seul moteur, mieux vaut ne pas se lancer. Plus louable est l’envie de se réaliser, de construire quelque chose, comme Pierre L’hotellier, qui, à 28 ans, a plaqué une carrière prometteuse dans un grand groupe pour intégrer, à Toulouse, la franchise de restauration rapide Jack’s Express : « Je voyais des gens éteints à 40 ou 50 ans, je n’avais pas envie de leur ressembler. »
La capacité à supporter le risque est un autre obstacle. « Si l’on adhère à un réseau, censé minimiser les risques et apporter une assistance, on reste créateur d’entreprise, avec les aléas que cela comporte », prévient Catherine Bonsch, master-franchisée pour la France de Fruits & Passion, (note de AC Franchise, cette master franchise n’a malheureusement pas réussi sa percée après le décès de sa fondatrice)
À l’inverse, la franchise n’est pas faite non plus pour ceux qui veulent une totale indépendance. Car il ne s’agit pas simplement de payer des royalties pour avoir le droit d’exploiter une enseigne à sa guise. Seul au quotidien, le franchisé n’en est pas moins lié à un réseau qui l’engage par des devoirs. Il reçoit des outils, mais, en échange, il doit respecter des règles et dupliquer un concept dont il n’est pas le créateur. « Le pire ennemi du franchisé est le plus souvent un autre franchisé qui ne suit pas le concept et en détruit l’image », assène Jean Samper, fondateur d’AC Franchise. Il faut savoir que des règles s’appliquent aussi en fin de contrat.
Les sacrifices des premières années, eux, sont systématiques, notamment la perte de statut social. « On sent d’emblée un changement dans le regard des autres lorsque l’on quitte l’habit du jeune cadre dynamique d’une grande société », constate Pierre L’Hotellier. Un choc plus brutal pour les cadres sup’ habitués à diriger des centaines de personnes et qui se retrouvent seuls au quotidien dans leur centre de profit, ou en charge de trois ou quatre personnes. Autre renoncement, le salaire souvent réduit au début et le temps pour la famille et les loisirs réduit à peau de chagrin en phase de lancement. (Note de AC Franchise : Il faut quand même préciser que la situation s’améliore avec le temps et que la plus value sur la vente du fonds de commerce est une source de rémunération importante mais différée.)
La bonne nouvelle est que les profils sont moins stéréotypés qu’avant. Les franchisés interrogés viennent d’univers vraiment divers – publicité, assurance, finance… Pour tous, le secret de la réussite réside dans l’humilité. « Il faut accepter d’apprendre », raconte l’un d’eux. Pierre L’Hotellier s’est aperçu que c’est avant tout une question d’heures passées à la tâche. « Si les anciens de la distribution ont encore la cote, c’est parce qu’ils sont reconnus comme de gros travailleurs habitués au terrain et pour leur capacité à appliquer à la lettre procédures et politique commerciale. » analyse un expert en Franchise, Jean Samper.
Il n’est plus nécessaire non plus d’avoir travaillé dans le commerce, mais d’en avoir la sensibilité. De même, si les talents de manageur sont importants, les franchiseurs se sont rendus compte que d’avoir dirigé 300 personnes ne garantit pas les performances à la tête d’une petite structure. « Sans compter qu’il faut se lever tôt, mettre en rayon, et servir le client comme un employé », explique Olivier Thiébaut, le directeur du développement de La Compagnie des Petits. (devenu consultant chez AC Franchise dans l’intervalle) Les cadres dirigeants sont particulièrement mis en garde.
Enfin, être fait ou pas pour la franchise dépend du choix du concept. On peut être en phase avec certains, pas avec d’autres, selon l’adéquation entre ses aspirations et les exigences, très variables. Ainsi, une enseigne naissante laissera plus de souplesse dans la rédaction du contrat qu’une enseigne au statut bien cadré. Revers de la médaille, ces jeunes concepts n’ont pas la force de négociation avec les banques ni un service d’experts constitué et performant. De même, la mise de fonds est une condition suffisante quand le but est de recruter des investisseurs qui multiplient les magasins. D’autres réseaux préfèrent des hommes de terrain. Le produit a aussi énormément d’influence. Avec l’afflux de nouveaux concepts, nombreux sont ceux qui devraient trouver chaussure à leur pied.
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Vu dans LSA : Le 21 avril 2005