A propos de l’arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 14 janvier 2003…
On sait que le problème est régulièrement posé de savoir si la loi Doubin est applicable en cas de tacite reconduction, d’autant plus que les juristes distinguent ce qui procède de la prorogation du terme initial du contrat et ce qui procède de la conclusion d’un nouveau contrat.
La situation s’est bien clarifiée avec cet arrêt du 14 janvier 2003 qui casse un arrêt de la Cour d’appel de Montpellier.
Un contrat était conclu pour une durée d’un an et était, chaque année, renouvelé par tacite reconduction.
La société tête de réseau soutenait que la loi Doubin n’était pas applicable en cas de reconduction tacite du contrat du fait qu’il y avait absence de signature d’un nouvel acte. On rappellera que l’article 1er de la loi Doubin dispose que l’obligation d’information est préalable « à la signature de tout contrat ». Dès lors qu’il n’y avait pas « signature », pouvait-on en conclure que la loi Doubin n’était pas applicable ? La Cour de cassation répond catégoriquement que » l’existence d’un nouveau contrat (
) fût-il la reproduction du contrat initial par tacite reconduction » crée à la charge de la société concédante l’obligation d’information résultant de la loi Doubin.
Ainsi, le débat régulièrement soulevé est désormais bien tranché. Qui plus est, par sagesse, on peut en conclure que :
toute interprétation textuelle (telle que la discussion casuistique sur le thème « signature ») est inopérante ;
même si la Cour parle d’un nouveau contrat, il convient de considérer que quel que soit le mécanisme appliqué, la loi Doubin est bien applicable.
Y a-t-il là revirement de la jurisprudence de la Cour Suprême par rapport à son arrêt du 10 février 1998 que nous avons commenté ici même ? Absolument pas ! La Cour d’appel de Montpellier avait prononcé la nullité des contrats sur le seul fondement du non-respect de la loi Doubin. Qui plus est, elle avait eu la précaution de rappeler que la sanction pénale figurant dans le décret du 4 avril 1991 établissait le caractère d’ordre public de la loi Doubin ; dès lors, le non-respect de la loi ne pouvait selon elle que générer la nullité.
La Cour de cassation rappelle bien au contraire que ces seuls motifs ne sauraient générer la nullité des contrats. Encore faut-il, pour qu’il y ait nullité, que le concessionnaire (ou le franchisé) établisse que le défaut d’information a vicié son consentement.
Quelle conclusion peut-on tirer de cet arrêt ?
Nous proposons les pistes suivantes :
la loi Doubin ayant pour but de contribuer à un engagement en connaissance de cause, il est vain, pour déterminer les conditions d’application, de s’en tenir à une application textuelle de la loi et de son décret ;
dès lors, peu importe les conditions dans lesquelles les parties poursuivent leurs relations contractuelles ;
en conséquence, il y a lieu à application de la loi Doubin à chaque mécanisme de poursuite des relations contractuelles ;
il nous semble conforme à la jurisprudence de la Cour Suprême que chaque nouveau dossier d’information précontractuelle puisse, le cas échéant, s’en tenir aux seuls éléments nouveaux par rapport à la situation et aux conditions qui présidaient à la poursuite précédente. Généralement, cela doit pouvoir dispenser de communiquer des informations relatives par exemple à l’entreprise franchiseur et au contrat. Par contre, les informations relatives à l’état du réseau doivent en général faire l’objet d’une actualisation.
Par Yves MAROT
Membre du Collège des experts de la FFF
Maître de Conférences associé à l’Université de Bourgogne
Publié avec l’aimable autorisation de l’auteur et de la fff
Pour en savoir plus :
1) La loi Doubin en video
2) Les textes de La loi Doubin et le décret
3) Les articles sur la loi Doubin et les articles sur le DIP, document d’information précontractuel