Dans un rare accès de franchise généralisée, la phrase la plus courante dimanche 25 mai au soir était « Nous avons tous perdu, le seul gagnant est le Front National ». C’est presque vrai. « Presque » seulement car même les électeurs du FN ont perdu, enfin, ceux qui croient que la France sans l’Europe se porterait mieux.
Parce que les autres électeurs, ceux qui voulaient protester contre des politiques menteurs, déconnectés du terrain, soucieux de leur situation plus que de la nôtre, ceux-là ont gagné même s’ils auront peut-être à le regretter et si on ne peut quand même pas mettre tous les politiques dans le même sac.
Les votes FN protestataires ont gagné avec les abstentionnistes. Pro-européen, je n’ai pas partagé ni leur vote, ni leur abstention ; je ne sais pas s’ils ont eu raison de le faire mais on peut vraiment les comprendre. Deux façons différentes de protester, de montrer qu’on ne trouve pas pour qui voter parmi les « seconds couteaux » et les « recasés » que les partis mettent dans leurs listes aux Européennes démontrant ainsi le peu d’intérêt qu’eux-mêmes accordent à cette élection ou… le peu d’enthousiasme qu’ils manifestent pour partir battu d’avance ? Pas plus qu’on ne trouve pour qui voter devant un éventail de partis politiques qui passent leur temps à rejeter les responsabilités sur une Europe qu’ils ont construite, qu’ils n’assument pas et n’améliorent plus.
Une Europe imparfaite, certes !
Les politiques de la génération précédente ont signé des accords qui ont construit une Europe imparfaite mais cent fois meilleure que « pas d’Europe ». Ils ont misé sur le mouvement et sur les améliorations que les générations politiques leur succédant continueraient à apporter à leur œuvre pensaient-ils. Las ! Leurs successeurs sont souvent sans vision, souvent démagogues et manquant de trois qualités essentielles, la franchise, le courage et le sens aigu du bien commun. Quelque chose ne va pas ? On ne va tout de même pas avoir le courage de réformer et d’être impopulaire ! Surtout ne pas être courageux, ne pas faire preuve de franchise, ne pas dire ce qui déplaît à ses électeurs ! Tellement plus simple de dire que c’est la faute de l’Europe, des technocrates de Bruxelles, de la commission européenne ! Les prix montent, l’emploi baisse ? C’est la faute de l’Euro. Mais qui fait l’Europe, qui fait l’Euro ? C’est nous, à travers nos politiques, à travers la classe politique, à travers les compromis boiteux !
La classe politique ! Une expression qui a un sens sociologique et économique!
C’est pourtant vrai que ces politiques ne sont plus des ouvriers, des commerçants et des entrepreneurs ! Même les médecins, jadis nombreux à l’assemblée nationale, sont moins nombreux. Quant aux entrepreneurs et aux salariés du privé, ils sont rares en politique hormis les syndicalistes. Pourquoi ? Parce que les entrepreneurs ont beaucoup à faire pour rentabiliser leurs investissements et parce que les salariés comme les entrepreneurs ne sont pas sûrs de retrouver une situation professionnelle s’ils sont battus, au contraire des fonctionnaires. Pour refonder la vie politique française il faut trouver une solution permettant à tout élu, issu du privé comme du public, de retrouver un emploi, pas forcément celui qu’il avait avant, s’il est battu à des élections. Alors, les salariés et les entrepreneurs conscients des réalités seront plus nombreux parmi nos élus.
Et pour revenir à la franchise, notre sujet habituel…
…Constatons les conséquences des effets de taille. Les USA ont un marché intérieur de 320 millions d’habitants qui leur permet de constituer des géants de la franchise capables d’exporter parce qu’ils ont des moyens financiers et des structures fortes. Les franchises américaines que nous voyons en France ne sont que la partie émergée de l’iceberg, le reste exporte massivement en Asie, en Amérique du sud et ailleurs….. et leur part de marché mondiale est bien plus importante que celle des français. Les franchiseurs français ne sont pourtant pas moins bons mais leur marché intérieur est cinq fois plus petit. Plus le marché européen sera ouvert aux franchiseurs français, plus le marché européen sera facile d’accès aux européens eux-mêmes et plus la taille de nos franchiseurs leur permettra de lutter contre leurs concurrents américains en Europe mais aussi en Asie. Plus les franchisés français seront dans des réseaux français et moins leur avenir se décidera dans d’autres pays. Et que penser de la puissance que les milliers de franchisés d’un réseau en Chine ou en Inde donneront aux franchiseurs chinois et indiens lorsqu’ils exporteront ?
L’Europe est une nécessité pour nos entreprises, nos franchiseurs et nos franchisés
Ne nous battons pas contre l’Europe mais pour une meilleure Europe ce qui suppose de changer les règles, de bousculer nos politiques, d’avoir du courage et de définir dans quels domaines nous voulons moins d’Europe ou plus d’Europe ce qui nous amènera probablement à décider ensemble de certaines choses avec les autres européens partageant les mêmes objectifs. De la même façon qu’il est difficile de faire évoluer tous les membres d’ un réseau de franchise en même temps et de la même façon lors d’un changement important de concept, il sera difficile d’avancer en Europe si on veut le faire avec tout le monde. L’Europe ne doit-elle pas admettre que certains pays s‘associent pour aller plus vite et plus fort que d’autres ?