Il s’agit d’un complexe de contrats informatiques gravitant autour d’une obligation légale dite essentielle.
Un arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 13 février 2007 apporte des éléments sur deux points : l’interdépendance entre les divers contrats qui ont pu être conclus avec le client et la portée des obligations souscrites par le fournisseur en présence d’une clause limitative de responsabilité.
Une affaire entre la société Faurecia – auquel l’arrêt rendu donne pleinement satisfaction – a débuté en 1997. Faurecia souhaitait déployer sur ses sites un logiciel intégré couvrant principalement la gestion de production et la gestion commerciale. Conseillé par la société Deloitte, elle avait choisi la Version 12 d’Oracle, qui ne devait pas être disponible avant septembre 1999. En 1998, à des dates rapprochées, furent conclus : un contrat rassemblant plusieurs licences sur le progiciel intégré, un contrat de mise en oeuvre du programme Oracle applications, un contrat de maintenance et un contrat de formation.
La version 12 ne lui étant pas livrée, le client cessa de régler les redevances et fut assigné en paiement par l’établissement de crédit auquel Oracle les avait cédées, Il appelait en garantie Oracle, puis l’assignait ainsi que Deloitte, afin d’obtenir la résolution pour inexécution de l’ensemble des contrats signés. La Cour d’appel prononça la résolution partielle du contrat de licence et la résiliation du contrat de formation, aux torts de la société Oracle, constata la résiliation des contrats de maintenance et de mise en oeuvre de la solution informatique, et condamna Oracle à prendre en charge les redevances cédées. Devant la Cour de cassation ont été discutées la question de l’interdépendance des contrats et celle de l’application de la limitation de responsabilité. La Cour d’appel, pour décider que les quatre contrats litigieux étaient interdépendants, a souligné qu’ils poursuivaient tous le même but et n’avaient aucun sens indépendamment les uns des autres.
Approuvant ce raisonnement, la haute Juridiction estime que les juges n’avaient pas à relever que le fournisseur en était informé dès lors qu’il avait lui-même conclu les quatre contrats concernés. L’indivisibilité entre plusieurs contrats informatiques se déduit donc de la convergence de leur finalité, mais des considérations supplémentaires, tenant à la volonté des parties, doivent s’ajouter pour qu’on puisse conclure à l’indivisibilité. Le second point tenait au jeu des clauses restrictives de responsabilité. La Cour d’appel avait limité les sommes dues par Oracle à son client au montant des redevances réclamées par l’établissement de crédit, et rejeté les autres demandes du client, en retenant qu’il n’avait pas démontré la faute lourde justifiant d’écarter la clause limitative de responsabilité figurant au contrat.
La décision, à cet égard, fut cassée : selon la Cour suprême, le prestataire s’était engagé à livrer la version V 12 de son progiciel, cette obligation de livraison ne fut réalisée ni en 1999, ni plus tard, sans justifier d’un cas de force majeure, il y avait eu un manquement à une obligation dite essentielle, de nature à faire échec à l’application de la clause limitative de réparation. L’arrêt présente un double intérêt : d’un côté, il invite à penser que l’obligation de délivrance d’une solution informatique est une obligation de résultat, puisqu’il précise que le prestataire ne peut s’en exonérer qu’en prouvant la force majeure ; d’autre part, en relevant un manquement à une obligation essentielle pour écarter la clause limitative de responsabilité, il s’inscrit dans la mouvance de la célèbre jurisprudence Chronopost, qu’on a pu voir appliquer en matière de maintenance informatique (Com. 17 juillet 2001), et qu’il contribue à revivifier.
Dominique Deslandes