A 85 ans, Hélène Leclerc recevait le 12 décembre 2012 un trophée d’honneur pour l’ensemble de sa carrière et son soutien, souvent dans l’ombre, à Edouard Leclerc. Si l’épouse du célèbre patron des enseignes Leclerc n’a jamais fait la Une des média, sans nul doute qu’elle a eu un rôle dans le développement de ce grand nom de la distribution française. Née à Landernau en 1927, fille de commerçants (son père était photographe dans la commune), elle croise celui qui deviendra son époux dans la cour de l’école du village breton. Elle n’a alors que 3 ou 4 ans. Ils se retrouvent 20 ans plus tard et en 1949, après une activité de livraison en camionnette, ils ouvrent une première épicerie au 13 rue des Capucins à Landernau. Très vite des employés sont embauchés et petit à petit les ventes augmentent. En quelques temps, le chiffre d’affaires de l’activité familiale passe de 4, 29 millions de centimes à 26,7 millions. Un succès sans précédent qui commence à faire parler de lui.
En 1953, le local d’origine devient trop exigu et le couple de commerçants le transfère alors rue Bélerit, toujours à Landerneau. En 1956, le couple prend un nouveau tournant et inaugure une première boutique textile. Les époux Leclerc commencent alors à définir les conditions d’affiliation à un réseau de distributeurs. En août 1957, le mouvement initié par Edouard Leclerc compte neuf centres distributeurs, tous bretons. Aucun contrat ni lien financier ne lie Edouard Leclerc à ces nouveaux épiciers. La seule obligation est de grouper les achats à Landernau. En 1958, l’entrepreneur breton sort de la région et ouvre à Grenoble une épicerie baptisée Centre distributeur Leclerc. Tout est à reconstruire : avec cette localisation éloignée, il faut reconstituer tout le réseau de fournisseurs. Un défi qui n’effraie pas pour autant le couple qui met 200 millions d’anciens francs sur la table et ouvre six magasins à Grenoble en quelques mois. A force d’une bataille des prix sans pareil, le point de ventes ne désemplit pas. Hélène Leclerc se souvient qu’en un seul mois d’octobre le chiffre d’affaires atteint jusqu’à 20 millions d’anciens francs. En 1959, c’est à Issy-les-Moulineaux que dans un local de 48 m2 Edouard Leclerc confie à Jean-Pierre Leroc l’implantation du premier Centre Distributeur Leclerc en région parisienne. On assiste alors à une vraie médiatisation de ce qu’on appellera « le mouvement E. Leclerc ».
Dans les années 60 (en 1964, la France compte 420 Centres Distributeurs E. Leclerc), l’entrepreneur breton, après avoir longtemps défendu les petits formats, se convertit aux très grandes surfaces et ouvre à Brest un véritable supermarché. Les années 70 seront marquées par la lutte contre les monopoles et une attaque de front de l’industrie pétrolière. Suivront en 1982, l’ouverture de la première jardinerie associée à l’enseigne et quelques événements phares comme le lancement de L-Jeans en 1990, le lancement de la marque Repères en 1997 et la nomination en 2006 de Michel-Edouard Leclerc, le fils, comme président de l’ACDLec (Association des Centres Distributeurs E. Leclerc). En 2012, la fondation Hélène et Edouard Leclerc est créée quelques mois avant la disparation de celui qu’on nommait « l’épicier de Landernau ».
Aujourd’hui Hélène Leclerc ne veut surtout pas être inactive. Elle dit s’occuper de la fondation qu’elle a créée avec son mari afin de rendre plus accessibles toutes les formes de production artistique. On lui doit notamment la rénovation de l’enceinte de l’ancien couvent des Capucins du 17e siècle située à proximité de la première boutique ouverte en 1949. Elle se dit particulièrement sensible à la place des femmes dans le secteur de la distribution alimentaire. Elle explique : « Avec Edouard, nous avons beaucoup uvré pour les femmes soient entendues dans les centres E. Leclerc. Dans nos premiers magasins, nous avions des responsables femmes et nous avons aussi eu des directeurs femmes dans nos hypers et supermarchés. » Un modèle qui aurait permis à de nombreuses femmes de s’imposer, de montrer leurs compétences et à certaines de reprendre avec succès les affaires de leur mari.
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Vu dans LSA n°2255