Actualité du droit du contrat d’agent commercial par me Marc Lanciaux

  • Créé le : 14/09/2015
  • Modifé le : 14/09/2015

Si le statut et les modalités d’exercice de la profession d’agent commercial sont régis de manière précise par les articles L. 134-1 et suivants du Code de commerce, les nombreux litiges liés à la rupture du contrat par l’agent ou le mandant ont donné lieu à une jurisprudence abondante sur ce sujet.
Les décisions commentées ci-après participent de cette jurisprudence et sont toutes trois relatives à la qualité d’agent commercial, chacune d’entre elles apportant des précisions dans les divers domaines spécifiques à cette profession.

L’arrêt de la Cour d’appel de Paris concerne plus particulièrement la question de l’imputabilité de la rupture du contrat, celui de la Cour d’appel de Colmar la notion de faute grave de l’agent et celui de la Cour d’appel de Bordeaux le statut d’agent commercial.

Maître Marc Lanciaux, expert en franchise membre du collège des experts de la fédération française de la franchise et du Franchise Business Club

Cour d’appel de Paris, 2 avril 2015, n°13/19813

L’arrêt en question concernait une rupture de contrat d’agent commercial à l’initiative de l’agent. Celui-ci estimait la poursuite du contrat impossible en raison de la modification des conditions financières et demandait donc une indemnisation pour le préjudice subi du fait de cette rupture forcée.

La société Bell & Ross (le mandant) avait conclu en 2007 un contrat d’agent commercial  avec la société Clerici (l’agent commercial) pour la distribution de ses montres en Italie, contrat assorti d’un engagement d’exclusivité. En 2011, Bell & Ross a cessé d’approvisionner un client que son agent commercial lui avait apporté, au motif que ce client ne respectait pas la politique commerciale de la marque. Le client avait en effet un pourcentage de ventes « corporate » bien supérieur au pourcentage de ventes directes aux particuliers, ce qui allait à l’encontre de la politique définie par la compagnie Bell & Ross. Cette dernière a dans le même temps modifié les taux de commissions définis dans le contrat, modification entraînant une baisse des commissions touchées par Clerici.
En 2012, la société Clerici a alors résilié unilatéralement le contrat la liant avec Bell & Ross et a assigné son mandant devant le Tribunal de Commerce de Paris afin de faire valoir ses droits à indemnités.

L’agent commercial invoquait l’article L.134-13 du Code de commerce qui autorise l’agent commercial à l’origine de la rupture du contrat à obtenir une indemnité compensatrice, à condition que cette cessation soit justifiée par des « circonstances imputables au mandant » par suite desquelles « la poursuite de son activité ne peut plus raisonnablement être exigée ». L’agent commercial Clerici estimait en effet que la cessation d’approvisionnement du client, qui représentait 16 % du chiffre d’affaires total apporté par Clerici à son mandant, et la décision de réduire ses commissions constituaient des circonstances imputables à la Société Bell & Ross rendant impossible la poursuite de son activité.

La Cour d’appel confirme la décision de première instance qui donnait raison à l’agent commercial et condamne la société Bell & Ross à verser à son agent commercial une indemnité compensatrice de cessation de contrat et substitutive de préavis.

Il est intéressant de constater que pour condamner la société mandante au versement de l’indemnité compensatrice, la Cour d’appel ne retient que le motif de la réduction des commissions et non celui de la rupture de relation avec le client.

En effet, la Cour d’appel a jugé de manière plutôt logique que la seule rupture d’approvisionnement du client ne pouvait constituer une faute imputable à la société mandante. Pour rejeter ce motif, la Cour invoque d’abord le fait que l’agent commercial avait été informé par son mandant que l’importance des ventes « corporate » réalisées par le client était contraire à la politique de la société Bell & Ross. Elle cite notamment un courrier du mandant à son agent commercial dans lequel la société Bell & Ross montre explicitement son inquiétude quant à la conformité des ventes de ce client à sa politique commerciale.
La Cour d’appel estime enfin que le seul fait que la décision de cessation d’approvisionnement de ce client par Bell & Ross entraîne une diminution sensible de la rémunération de la société Clerici ne saurait faire obstacle au droit de la société mandante de veiller au respect de sa politique commerciale.

Concernant le second motif, la Cour estime en revanche que la réduction des commissions entraînait une modification substantielle du contrat, justifiant alors l’indemnisation de l’agent commercial à l’origine de la rupture. À cette fin, la cour juge d’abord que la modification des conditions financières émanait unilatéralement du mandant qui avait entendu l’imposer à son agent commercial. Elle juge ensuite que, bien que la réduction du taux de commission n’ait eu d’effet qu’à compter de 2013, celle-ci aurait bien un impact sensible sur les montants des commissions, impact justifiant la cessation du contrat à l’initiative de la société Clerici. Le fait que l’agent soit lié par un engagement d’exclusivité a également pesé dans la décision de la Cour. En effet, la Cour a relevé que le mandant avait toujours refusé de mettre fin à cet engagement qui plaçait pourtant l’agent commercial dans une situation d’autant plus difficile.  

Pour conclure, on constate que la Cour d’appel de Paris a refusé de prendre en compte l’impact de la rupture d’approvisionnement d’un client décidée par la société mandante sur le chiffre d’affaires de son agent commercial. C’est une décision qui peut apparaître sévère à première vue, mais l’on comprend mieux ce choix quand on sait que cette décision de la société mandante était guidée par la volonté de faire respecter la politique commerciale de la société.

On observe enfin que les juges se penchent néanmoins sur l’effet du comportement du mandant sur la rémunération de l’agent commercial, puisque la Cour estime que la modification des taux de commission avait un impact « sensible » sur la rémunération de la société Clerici.
Si l’impact de la rupture d’approvisionnement du client était également sensible, ce qui a décidé les juges est sans aucun doute le fait que Bell & Ross ne justifie pas cette modification des taux de commission par un intérêt supérieur tel que le respect de la politique de marque.

Cour d’appel de Colmar, 8 avril 2015, n°13/05465

L’arrêt de la cour d’appel de Colmar opposait un agent commercial à son mandant, le contrat les liant ayant été rompu par la société mandante. L’intérêt de cette décision était de déterminer si une faute grave avait été commise par l’agent commercial, exonérant alors la société mandante de toute obligation d’indemnisation pour rupture.

La société mandante Les grands chais de France était spécialisée dans le commerce et l’exportation de vins et spiritueux dans le monde entier. Elle avait conclu en 1995 avec M. Lankowskij un contrat d’agent commercial, d’abord sur le territoire de la Russie, puis sur le territoire du Kazakhstan.
M. Lankowskij avait conclu fin 2006, sans en informer son mandant, une convention avec la société ALJDI selon laquelle toutes les commandes devaient s’effectuer par son intermédiaire, prévoyant un mécanisme de clause d’indemnisation dans le cas contraire.
Estimant que ses intérêts étaient lésés par cette convention intervenue sans son accord, la société Les grands chais de France avait donc résilié en octobre 2007 le contrat d’agent commercial la liant à M. Lankowskij.
Ce dernier avait alors assigné sa société mandante devant le TGI de Saverne le 17 mai 2010 afin qu’il soit statué sur les conséquences de la rupture de son contrat d’agent commercial.

Cette décision présente une particularité intéressante. En effet la Cour d’appel de Colmar avait accepté la demande concordante des deux parties d’appliquer le droit allemand.
Ce choix de loi applicable n’emporte toutefois pas de conséquences importantes, les dispositions relatives au contrat d’agent commercial étant issues de la transposition d’une directive européenne. Ainsi, le droit allemand impose comme en droit français un préavis obligatoire pour la rupture d’un contrat à durée indéterminée (article L.134-11 du code de commerce) mais le droit allemand prévoit aussi que si une résiliation immédiate sans indemnités par le mandant est envisageable, elle doit obligatoirement être motivée par une faute grave de l’agent commercial (L.134-13 du code de commerce).

Le 1er octobre 2013 le TGI a, en application du droit allemand, retenu la qualification de faute grave de M. Lankowskij à l’égard de son mandant et l’a débouté de sa demande d’indemnisation.
M. Lankowskij  interjette appel de cette décision, en demandant à la Cour d’appel de juger que la résiliation sans préavis et indemnité est nulle car intervenue tardivement par rapport aux faits présumés. Il estime que le motif de la résiliation n’est pas d’une gravité suffisante pour constituer une faute grave et donc le priver d’indemnités de fin de contrat et de préavis.
Pour appuyer ses demandes, M. Lankowskij soutient que son mandant aurait du le mettre en demeure de cesser les agissements et que la résiliation aurait pu être justifiée une fois la mise en demeure restée vaine.

Il soutient également que la société Les grands chais de France avait été avisée de la convention passée avec ALDJI et qu’elle avait malgré tout poursuivi ses relations commerciales sans aucune remarque, avant de résilier le contrat en octobre sans préavis.
La Cour rappelle d’abord la définition jurisprudentielle de la faute qui est celle « portant atteinte à la finalité du mandat d’intérêt commun et rendant impossible le maintien du lien contractuel ».

Pour qualifier la faute grave de l’agent commercial, la Cour relève ensuite que M. Lankowskij n’avait pas informé loyalement son mandant de la convention intervenue avec ALDJI. Elle relève enfin que la société mandante avait informé M Lankowskij par message électronique qu’elle avait connaissance de la convention litigieuse et du fait qu’elle était vivement opposée à celle-ci.
Par conséquent, la Cour a estimé que la rupture pour faute grave rendant impossible le maintien de la relation contractuelle entre les parties était bien fondée et a confirmé le jugement de première instance.

On observe ici que les juges d’appel n’ont pas retenu la prétention de l’intimée selon laquelle le seul fait que la convention soit totalement illicite au regard du contrat d’agent commercial existant suffisait à justifier la faute de l’agent.
En effet, c’est le comportement de l’agent et les conditions liées à la conclusion de la convention qui constituent la faute grave de l’agent (le fait qu’il n’ait pas informé loyalement son mandant de la convention litigieuse et qu’il ait poursuivi la convention malgré les réticences clairement exprimées par la société mandante).

Cet arrêt contribue donc à l’importante production jurisprudentielle qui vise à dessiner les contours de la faute grave imputable à l’agent.
Les juges ont encore ici une interprétation stricte de la faute grave, interprétation reposant essentiellement sur le comportement de l’agent. Il faut donc démontrer quels faits concrets et précis constituent des manquements de l’agent commercial à ses obligations, et en quoi ceux-ci portent atteinte à la finalité commune du mandat et rendent impossible le maintien du lien contractuel. En effet, les juges ont estimé que l’existence de la seule convention litigieuse était insuffisante.

Cour d’appel de Bordeaux, 16 avril 2015, n°12/00177

Il s’agissait ici pour les juges de la cour d’appel de Bordeaux de déterminer si l’on pouvait accorder ou non la qualité d’agent commercial à une société qui n’avait pas conclu de contrat écrit avec son supposé mandant.

La société Arimar, spécialisée dans la fabrication et la commercialisation de produits nautiques, a eu recours depuis 1997 aux services de la société Atoll pour diffuser ses produits sur le territoire français. Cette dernière était immatriculée au registre spécial des agents commerciaux et spécialisée dans la représentation des produits nautiques.

Mécontente des services de son agent commercial, la société Arimar avait mis fin à la relation professionnelle la liant à la société Atoll. Pour échapper à son devoir d’indemnisation, la société Arimar avait logiquement contesté la qualité d’agent commercial d’Atoll et ce malgré les nombreux courriers qui mentionnaient la qualité d’agent commercial d’Atoll.
La société Arimar a assigné Atoll devant le tribunal de Commerce de Bordeaux qui lui a donné raison en condamnant la société Atoll à verser des indemnités compensatrice de préavis et du préjudice subi. La cour d’appel a confirmé le jugement de première instance.

La décision de la Cour d’appel, habilement rédigée, apporte divers enseignements.
À propos de la qualité d’agent commercial de la société Atoll diffusion, la Cour rappelle que l’application du statut d’agent commercial ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties dans le contrat ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leurs conventions mais des conditions dans lesquelles l’activité est réellement exercée. Par conséquent, la Cour s’est alors penchée attentivement sur les conditions dans lesquelles la société Arimar effectuait son activité. Elle apporte ainsi une précision importante sur le statut d’agent commercial en déclarant que le fait qu’Arimar ne négociait pas les prix de vente n’empêchait pas que soit retenu au profit d’Arimar le statut d’agent commercial. Selon la Cour, le fait qu’Arimar avait bien le pouvoir de négocier suffit à prouver sa qualité d’agent commercial, elle précise toutefois que la négociation ne se limite pas à la possibilité d’accorder ou non des remises mais bien à la conclusion de contrats et de vente.

Concernant l’initiative de la rupture du contrat d’agent commercial, l’étude des faits montre que l’initiative émane incontestablement de la société Arimar. Celle-ci ne nie pas en être à l’origine mais justifie cette rupture par les manquements graves à ses obligations d’agent commercial de la société Atoll. Toutefois, la Cour écarte ces arguments en estimant que :

–    la société Arimar n’avait pas mis en garde son agent commercial préalablement à la rupture ;
–    la baisse de chiffre d’affaire récente ne pouvait être imputable à un désintérêt ou une insuffisance d’activité de l’agent commercial ;
–    le refus par Atoll des nouvelles propositions contractuelles adressées à elle par Arimar ne pouvait justifier une rupture unilatérale de la part de cette dernière.

En apportant ces trois précisions, la Cour d’appel affine ici encore la notion de manquements graves de l’agent commercial. Ces éléments permettront sans doute aux mandants de se prémunir en amont des risques d’une rupture.

La Cour a donc condamné Arimar (la société mandante) à verser à son agent commercial Atoll une indemnité de préavis et une indemnité de rupture. L’indemnité de préavis est calculée sur la base des commissions acquises au cours de l’exercice 2007. Concernant le calcul de l’indemnité de rupture, la Cour précise que cette indemnité a pour but de réparer le préjudice comprenant la perte de toutes les rémunérations acquises durant l’activité développée dans l’intérêt commun des parties. Elle rejette alors la prétention d’Arimar qui visait à distinguer selon que ces rémunérations provenaient de clients préexistants ou amenés au contraire par Atoll.

Maître Marc Lanciaux
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