Les franchiseurs sont devenus de plus en plus professionnels. Les franchisés sont de plus en plus assistés. La franchise marche de mieux en mieux. Oui, mais trop bien ? Les franchisés sont-ils trop assistés ? A-t’on été trop loin ? Hubert Bensoussan avocat expérimenté et réputé dans le monde de la franchise nous donne sa vision de l’évolution. Une vision personnelle, certes, qui pose de bonnes questions.
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Dans les années 80, être franchiseur faisait désordre. La réputation était noire : des profiteurs prêts à ne faire qu’une bouchée de prétendus franchisés, naïfs, inondaient le marché. Non encore façonnée par la jurisprudence, la franchise connaissait des déviances nuisibles. Inexpérience, absence de savoir-faire, manque de moyens, volonté de tromper. Les causes d’échec étaient nombreuses.
C’est alors qu’intervint la riposte du juge : une multitude de nullité de contrats. Les candidats franchiseurs devinrent plus rares et d’aucuns n’hésitaient pas à prédire la mort du système. La sévérité du juge fut payante, d’autant qu’elle était renforcée par une FFF exigeante. En ratifiant une déontologie rigoureuse, nos juridictions ont inversé la tendance en donnant à la franchise ses lettres de noblesse. Désormais n’est plus franchiseur qui veut, n’est plus franchisé n’importe quel candidat, n’est plus franchise n’importe quel concept. Nous sommes ainsi passés d’un vide de culture à des concepts hyper façonnés, huilés dans le détail, qui se vendent bien souvent clé en mains.
Mais voilà, à vouloir contrebalancer une tendance, peut-être sommes-nous allés trop loin.
Aujourd’hui, le franchisé est bien souvent en pilote automatique : assistance métier, informatique, juridique, gestion des stocks, communication et publicité, assistance dans la relation avec les autres franchisés, dans la captation de clients, etc. La multi-assistance est légion dans les réseaux. Mais est-elle vraiment compatible avec l’autonomie nécessaire du franchisé ?
Exemple patent dans une affaire récente : un franchiseur adressa pendant un temps un certain nombre de clients à son franchisé. Mais, alors que les relations s’envenimaient entre les parties, il cessa cet envoi. Quelle ne fut pas la colère du franchisé qui s’adressa à justice pour exiger l’envoi de clients, ce qui n’était évidemment pas prévu dans le contrat ! Certes, il fut débouté de sa demande, mais n’est-ce pas là un signe que trop d’assistance ne vaut… ?
Les franchisés sur-assistés ne sont pas nécessairement les plus efficaces !
Les sur-assistés ne sont pas toujours efficaces. Ils perdent leurs facultés créatives. A la fin du contrat, il leur faut trouver un autre tuteur, mais ils sont brimés par une clause restrictive de concurrence. Et fréquemment, c’est le procès… La franchise doit valoriser la créativité de chacun. Elle est construite de forces vives irriguées entre elles. Les franchisés sont une aide précieuse pour le franchiseur.
Et même dans le cadre des associations de franchisés, souvent craintes par les têtes de réseaux, leur connaissance du terrain peut-être profitable. Ainsi, l’association peut-elle diriger tout ou partie des commissions de travail, aider les franchisés dans l’application du savoir-faire, arbitrer des litiges entre eux, suggérer des décisions dans certains domaines comme la communication nationale, témoigner en cas de litige sur la qualité du concept, etc. Elle peut également constituer une forme de fusible en déchargeant le franchiseur de certaines fonctions jugées invasives par le Droit. Elle devient alors un instrument de rééquilibrage de la relation de franchise. Si le franchisé a pu perdre isolément une forme d’autonomie, il la retrouve au sein du groupe associatif.
Nous verrons dans un prochain article, que cette valorisation des franchisés en tant que force créative peut être un moyen efficace de lutter contre le risque -encore faible mais patent- d’application de la législation du travail à certaines relations de franchise.
Hubert Bensoussan
Avocat spécialiste de la franchise et des réseaux
Commentaire d’AC Franchise
Nous publions cet avis personnel de Maître Hubert Bensoussan car il présente un grand intérêt. Il n’est pas nécessaire de partager toute son analyse pour y trouver matière à saine réflexion. Nous serions par exemple moins catégoriques sur les défauts des franchiseurs des années 80 qui ont connu aussi de nombreuses et belles réussites qui ont fait un grand nombre des réseaux qui sont les leaders d’aujourd’hui. Mais il est clair que cet article pose de bonnes questions.