Me Hubert Bensoussan nous expose ci-dessous un cas de jurisprudence particulièrement intéressant qui témoigne selon nous d’une maturité et d’un réalisme économique croissants des juges en matière de franchise.
Me Hubert Bensoussan : Un commerçant signe un premier contrat de franchise pour l’exploitation d’une pizzéria, avant de confirmer son intérêt pour le concept par la signature d’un second contrat deux ans plus tard. Après avoir exploité le concept pendant plusieurs années, il manifeste le souhait de cesser sa relation. Peu de temps après, son Conseil formule classiquement divers griefs à l’encontre du franchiseur, en visant notamment la nullité des contrats de franchise pour dol, au motif que le franchiseur aurait notamment manqué à son obligation de donner des informations sincères.
Celui-ci aurait dissimulé une mesure de faillite personnelle de cinq ans dont aurait été frappé son dirigeant par le passé. Le franchisé affirmait qu’il n’aurait jamais contracté s’il avait connu cette situation.
La problématique est intéressante, car l’exigence de l’article L 330-3 du code de commerce relative à l’information sur le curriculum-vitae des dirigeants, a pour but de savoir réellement à qui l’on s’adresse. Les avocats savent par expérience que les dépôts de bilan sur un CV ne laissent pas toujours augurer d’un bon futur. Il est en effet assez fréquent qu’une personne qui a été frappée une première fois d’une procédure collective, le soit une deuxième, voire une troisième fois. L’argument ainsi développé par le franchisé n’est donc pas aberrant.
La décision de la Cour
Saisis par le franchisé, le tribunal puis la cour de Paris ont analysé le dossier avec précision et surtout avec une vision globale des choses. La cour note qu’il n’est pas sérieusement contesté qu’aucune information judiciaire sur le dirigeant n’a été fournie. Elle en déduit qu’il lui faut examiner s’il en résulte ou non un vice déterminant du consentement du gérant qui n’aurait, en pleine connaissance de cause, jamais signé les deux contrats de franchise.
Elle retient que si le franchiseur a le devoir d’informer sincèrement le candidat avant la signature des contrats, rien ne justifie que la connaissance de la procédure collective qui a frappé le dirigeant du franchiseur, pouvait avoir la moindre incidence sur la qualité et la compétence du responsable du réseau de franchise. D’autant, précise t-elle, que le franchiseur dirige un concept dont le savoir-faire a été éprouvé. Elle rejette donc l’argument.
Ainsi, par cette décision du 1er avril 2015, la Cour de Paris rappelle que le savoir-faire d’un réseau vient au secours du franchiseur dans bien des circonstances. Il valide une clause de non-concurrence, un approvisionnement exclusif, ou, comme ici, la validité d’un contrat tout entier…
L’attention principale des chefs de réseau doit donc porter avant tout sur la qualité du savoir-faire qui doit être le fruit d’expériences globalement réussies.
On voit ces derniers temps que la franchise évolue beaucoup, notamment avec des synergies collaboratives entre franchisés et franchiseur. Sur ce domaine essentiel que constitue le savoir-faire, la ligne ne change pas ; celui-ci reste le cœur de la relation.
Hubert BENSOUSSAN
Avocat à la Cour de Paris