Le diagnostiqueur doit réparer tous les préjudices subis par l’acquéreur (Cass. 3ème civ., 8 déc.2016, n°15-20497).
La troisième chambre de la Cour de cassation persiste et signe aux termes de ce nouvel arrêt rendu en matière de préjudice réparable pour l’acquéreur en cas de diagnostic immobilier erroné.
L’on connaît désormais la position de la Haute Juridiction qui, par un arrêt rendu en chambre mixte le 8 juillet 2015, avait tranché la divergence jurisprudentielle existant entre la première et la troisième chambre au sujet de l’étendue de la réparation.
La problématique était en effet de déterminer la nature du préjudice indemnisable pour l’acquéreur en lien avec la faute du diagnostiqueur et de savoir si celui-ci correspondait à l’indemnisation totale des préjudices subis (position de la 3ème Chambre civile) ou à celle d’une simple perte de chance d’acquérir à des conditions plus avantageuses voire de renoncer à l’acquisition (position de la 1ère Chambre civile fortement relayée par les juridictions d’appel).
La Chambre mixte a opté pour la première solution déduisant de la simple existence d’un diagnostic non réalisé conformément aux règles de l’art le caractère certain des préjudices matériels et de jouissance subis par les acquéreurs.
Ainsi que nombre de commentateurs l’avaient relevé alors, la Haute Juridiction, se raccrochant au principe de certitude du préjudice, caractère qui doit effectivement être revêtu par celui-ci pour donner lieu à réparation, élude cependant la question pourtant posée de l’exigence du lien de causalité entre la faute et le dommage.
Il était ainsi clairement mis en exergue la volonté de protection de l’acquéreur, quitte à forcer quelque peu les principes et concepts de la responsabilité.
Depuis lors, la troisième chambre a eu l’occasion de faire application à plusieurs reprises de cette solution (à titre d’exemple : Cass. 3ème civ., 19 mai 2006, n°15-12408).
La présente espèce confirme en tous points cette solution.
Cependant, elle révèle également la grande sévérité à laquelle l’application de celle-ci peut aboutir et qui semble s’éloigner de la finalité première et louable de protection et d’indemnisation de l’acquéreur démuni.
Les faits étaient les suivants :
Un acquéreur procède à l’acquisition d’un immeuble à usage commercial et d’habitation (en l’espèce, un ancien hôtel) aux fins de rénovation.
Celui-ci se trouvant dans une zone infestée de termites, les vendeurs sont tenus de produire un état parasitaire.
Le diagnostic mentionnait la présence de traces d’infestation dans plusieurs pièces du bâtiment, sans présence d’insectes, et concluait, aux termes de son rapport, qu’au vu des dégradations constatées, il était impossible d’exclure un risque de réinfestation.
Cependant, lors des opérations de rénovation, la présence de termites est mise en évidence et la faute du diagnostiqueur révélée dès lors qu’il n’avait pas décelé celle-ci.
La Cour d’appel retient la responsabilité du diagnostiqueur tout en limitant l’indemnisation du préjudice de l’acquéreur au coût du traitement anti termites au motif que « il n’est pas établi, compte tenu de l’état parasitaire assez alarmant établi par celui-ci , dans un région déclarée contaminée par arrêté préfectoral, que Mme X…aurait renoncé à son achat ou en aurait demandé un moindre prix si elle avait été informée de la présence effective des insectes, alors qu’elle a décidé d’acheter le bien en dépit des informations dont elle disposait sur les traces d’infestation généralisée et les risques de nouvelles infestations signalés au rapport ».
L’acquéreur se pourvoit en cassation aux fins de réclamer en sus des frais de remise en état ainsi que des préjudices de jouissance et d’exploitation.
L’arrêt d’appel est censuré selon l’attendu suivant : « les préjudices liés à la présence de termites non mentionnée dans l’attestation destinée à informer l’acquéreur revêtent un caractère certain ».
Exit à nouveau toute notion de perte de chance et toute discussion sur le lien de causalité au profit de l’émergence d’une véritable garantie contre le risque au profit de l’acquéreur.
Tel était d’ailleurs la motivation de l’arrêt de la chambre mixte précité du 8 juillet 2015 qui posait comme principe que le « dossier de diagnostic technique annexé à la promesse de vente ou à l’acte authentique de vente d’un immeuble garantit l’acquéreur contre le risque ».
Selon le Professeur Jourdain, « l’information d’une absence de risque se meut ainsi en une garantie d’absence de risque » (RTD civ. 2016, 130, obs. P. Jourdain)
Et pourtant…les faits de l’espèce invitaient fortement à se pencher sur cette question de garantie contre le risque érigé au rang de principe et, en filigrane, l’exigence d’un lien de causalité quelque peu occulté.
En effet, en l’espèce, l’état parasitaire litigieux, s’il n’avait pas décelé la présence actuelle de termites, avait mis en évidence les traces d’infestation et le risque accru de réinfestaiton.
Les conclusions du diagnostic étaient ainsi particulièrement alarmantes et il est manifeste que, dans une région de surcroît reconnue comme contaminée, l’acquéreur acceptait indiscutablement un risque d’infestation et procédait donc à l’acquisition du bien en toute connaissance de cause.
Ainsi, et même dans le cadre d’une consécration de la théorie de l’exposition à un risque tel que dégagée par certains, ne pouvait-on précisément retenir en l’espèce que l’acquéreur avait délibérément accepté ce risque dès lors qu’il entendait acquérir en dépit du diagnostic alarmant faisant état d’une probable réinfestation ?
Les conclusions de l’état parasitaire ne pouvaient-elles donc permettre de nuancer quelque peu la responsabilité du diagnostiqueur ou, à tout le moins, de limiter dans une moindre mesure l’indemnisation de l’acquéreur ayant délibérément accepté une partie du risque ?
La situation factuelle de cette espèce démontre en tout état de cause que l’application stricte du principe dégagé par la jurisprudence selon lequel toute faute dans la réalisation du diagnostic conduit nécessairement à une indemnisation intégrale de l’acquéreur, sans appréciation in concreto des faits, aboutit dans certains cas à des solutions qui n’apparaissent fondées ni en équité ni en droit et qui laissent quelque peu pantois.
Par Marie Letourmy, avocat spécialiste en droit immobilier au sein du cabinet Cornet Vincent Ségurel.
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