…il convient aussi de creuser plus profondément les spécificités de ce marché et de mesurer toutes les difficultés d’une telle entreprise.
La capitale et les grandes villes russes ont déjà leurs enseignes européennes et américaines et pas les moindres. On y retrouve les grands noms de la mode et du luxe, réservés aux populations les plus aisées (0,4 % de la population totale et 1,5 % des Moscovites). On peut ainsi rencontrer Levi’s, Naf Naf, Chevignon, Wolford, Swatch, Palmer’s, Jean-Paul Gaultier, Comme des garçons…
Pour ceux que le luxe n’attire pas, il existe un autre secteur porteur : le milieu de gamme. Car si à l’autre extrémité du luxe, les foyers les plus modestes fréquentent plutôt les marchés aux Puces ou les marchés spécialisés dans le textile à bas prix, entre les deux, la classe moyenne (qui représente pourtant 15 % de la population, soit 4 millions de consommateurs) ne trouve guère chaussure à son pied. L’offre de milieu de gamme est quasi inexistante, notamment pour les hommes.
On pourra rétorquer que les classes moyennes russes ne disposent des mêmes revenus que les classes moyennes de l’Europe occidentale, avec un revenu mensuel oscillant entre 450 et 1 250 euros. Pour autant, elles les dépensent en grande partie dans les vêtements et l’automobile, aux dépens de leur habitation et de l’épargne.
Les fabricants et entrepreneurs russes l’ont bien compris et se montrent très créatifs, brandissant de nouvelles marques purement locales et délocalisant eux aussi une partie de leur production. Seulement ils enregistrent encore un retard sur les challengers européens en matière de fabrication. L’outil industriel peine à suivre les idées, nécessitant une profonde rénovation et de lourds investissements.
Pour autant, il ne faut pas imaginer que la tâche soit aisée pour les enseignes européennes. Les principaux freins ou difficultés à une installation en Russie touchent d’abord à l’adaptation linguistique et culturelle. Les slogans, les marques et les messages publicitaires une fois traduits n’ont parfois plus rien à voir avec l’original et perdent tout leur sens et toute leur force. Le problème se pose également au niveau commercial. Les Russes n’ont par exemple pas l’habitude de bénéficier de promotion, de rabais ou de réduction. Entrer sur le marché russe implique, par ailleurs, de se conformer à la législation en vigueur. Elle exige notamment d’obtenir de nombreuses autorisations et certifications.
Séverine Grumiaux