Depuis les débuts de la Propriété Industrielle il y a un peu plus d’un siècle, lorsque l’on veut protéger une marque, on la dépose en revendiquant la classe de produits objet de la vente.
Par exemple : dépôt uniquement en classe 25 (vêtements, chapellerie, chaussure) pour une marque apposée sur des vêtements.
L’activité de vente n’est donc pas appréhendée en tant que telle mais par l’intermédiaire de l’objet de la vente. Le réseau de franchise est-il protégé efficacement de cette façon traditionnelle?
Or, depuis trois ans environ, est apparut un mouvement de fond de la part des Offices nationaux chargés de gérer les dépôts de marques et qui constitue une véritable révolution : il est désormais possible de revendiquer en classe 35 les services de vente au détail et le regroupement de produits en vue de les offrir à la vente ce qui concerne directement les réseaux de franhise, de concession, de commission affiliation, les groupements, les coopératies de distribution.
Cette évolution, en rupture avec l’histoire du droit des marques, s’explique par le développement des activités de distributeurs (succursalistes ou commerce associé comme la franchise ou la licence de marque, etc… parallèlement à celle des fabricants), par la capacité désormais de faire la distinction entre l’activité de fabrication de produits et / ou prestations de services (relevant d’une classe de produit ou de service) et l’activité de vente desdits produits ou services (relevant de la classe 35). Et, bien entendu, cela permet aux Etats de percevoir d’avantage de taxes.
Cette modification touche bien sûr les accords franchiseurs / franchisés, concédants / concessionnaires… puisque cela permet de distinguer les licences de fabrication assises sur des marques déposées pour des produits (ou des services) des licences de distribution qui seront elles basées sur des marques déposées pour des services de vente au détail. Les contrats n’ont donc plus ipso facto à faire le distingo entre les deux activités puisque les marques servant de base à ces deux types de contrat ne sont pas les mêmes.
Il faut donc faire un audit des marques qui servent de base aux réseaux car souvent elles sont anciennes et ne couvrent pas ces activités de vente qui sont pourtant au cur des activités des franchiseurs.
A cette occasion, il conviendrait d’étudier si ces marques couvrent bien l’intégralité des services rendus par un franchiseur. En effet, il apparaît primordial que le signe distinctif couvre bien ces services (formation du personnel relevant de la classe 41, recherche de locaux et étude de faisabilité en classe 35, recherche de financement en classe 36, aide pour l’aménagement d’un point de vente en classes 35 et 37).
Pourquoi ? en vertu du principe de spécialité, une marque n’est protégée que pour les produits et services qu’elle revendique et ceux qui leur sont similaires. Si un tiers adopte la même marque pour un domaine d’activité très différent, le droit de marque, sauf notoriété reconnue de l’autre marque, ne permettra pas d’agir. Or, avoir deux réseaux portant la même marque peut avoir des conséquences lourdes d’un point de vue marketing et commercial.
Pour prévenir une telle situation, il est souhaitable de revendiquer les services qu’un franchiseur doit accomplir pour animer son réseau car ces services ne sont pas nécessairement liés aux produits qu’il offre à la vente.
L’écriture d’un libellé de marque est donc équivalent à définir la taille du terrain qui entoure votre maison. Il est préférable que ce terrain évite la venue d’un voisin qui vous ôterait la vue sur la mer !
Eric Schahl
Associé