II. La loi Macron vue par un avocat européen expert en franchise

  • Créé le : 24/08/2016
  • Modifé le : 04/04/2024

De nombreux contrats de franchise exécutés au sein des pays membres de l’Union européenne prévoient leur soumission à la loi française et aux juridictions françaises, très souvent le Tribunal de Commerce de Paris ou des chambres d’arbitrage. Beaucoup de contrats de franchise exécutés en Belgique et ailleurs en Europe ou dans le monde sont soumis à la loi française.

AC Franchise a donc demandé à Pierre Demolin, un avocat Belge expert de la franchise de nous donner son éclairage sur les mutations du droit français applicable aux contrats de franchise. Sa réponse sur l’évolution du droit de la distribution commerciale en France vu de la Belgique est structurée en 3 parties :
I. La réforme du droit des contrats en France (suivez le lien)
II. La loi Macron  (ci-dessous)
III. La loi El Khomri  (suivez le lien)

D’autre part le congrès franco-belge de la franchise organisé le 13 septembre à Lille au salon Créer permettra aux franchiseurs, masters-franchisés et experts d’échanger sur ce sujet et de nouer de précieux contacts.

La Loi Macron

Après des mois de discussions et environ 2.300 amendements, la loi 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite loi Macron, a été promulguée et publiée au Journal Officiel le 7 août 2015. Elle est entrée en vigueur le  8 août 2015, même si certains articles n’entreront en application qu’ultérieurement suite à la publication de décrets conformément à l’échéancier d’application de la loi.
Cette loi contient de nombreuses dispositions dans des domaines très variés. Elle a un impact essentiel sur la vie des réseaux de franchise.
Nous insistons sur deux changements importants du Code de commerce :

A) Échéance commune des contrats conclus avec l’exploitant d’un magasin de détail

La loi instaure l’alignement des échéances des contrats conclus entre le promoteur du réseau et la personne exploitant un magasin de détail. Tous les contrats conclus entre les deux parties ayant pour but commun l’exploitation de ce magasin doivent avoir une date d’échéance commune. En cas de résiliation d’un des contrats, l’ensemble des contrats (NDLR : signés avec cet adhérent) sera résilié[16].
Le franchiseur doit retenir cette règle lorsqu’il signe plusieurs contrats avec un seul franchisé car, à défaut, il pourrait être confronté à des risques de sortie anticipée d’un franchisé suite à la résiliation d’un des contrats signés par lui.

B) La clause de non concurrence

Toute clause qui a pour effet, après l’échéance ou la résiliation d’un contrat de franchise, de restreindre la liberté d’exercice de l’activité commerciale de l’exploitant qui a précédemment souscrit ce contrat, est réputée non écrite[17] .
Une exception existe cependant si les conditions cumulatives suivantes sont réunies :
1) la clause concerne des biens et services en concurrence avec ceux qui font l’objet du contrat de franchise ;
2) elle est limitée aux terrains et locaux à partir desquels l’exploitant exerce son activité pendant la durée du contrat ;
3) elle est indispensable à la protection du savoir-faire substantiel spécifique et secret transmis dans le cadre du contrat ;
4) sa durée n’excède pas un an après l’échéance ou la résiliation du contrat.

On constatera immédiatement deux innovations :
1)    l’exception limite la clause aux locaux exploités par le franchisé ;
2)    il convient de démontrer le caractère indispensable à la protection d’un savoir-faire spécifique.

Certes, il s’agit là de la reprise des règles européennes et de la jurisprudence mais en réalité il faut être plus nuancé. En effet, le règlement d’exemption européenne du 20 avril 2010 prévoit que la clause doit être indispensable à la protection d’un savoir-faire transféré par le fournisseur à l’acheteur et le savoir-faire est constitué, selon le règlement européen, par un ensemble secret, substantiel et identifié tandis que la loi Macron ne parle que d’un savoir-faire « spécifique ». Cette notion de spécificité suscitera des débats qui devront être suivis soigneusement. On peut penser qu’elle vise la notion d’originalité du savoir-faire et le fait que le franchisé avait la possibilité, en souscrivant le contrat, de ne pas devoir lui-même faire des expériences personnelles pour acquérir un savoir-faire dont il ignorait tout.

Finalement, on constate que cette disposition de la loi Macron légitime la clause de non concurrence mais en rendant plus exigeantes les conditions de sa validation.

Maître Pierre Demolin du cabinet DBB membre de la fédération belge de la franchise

A propos de Pierre DEMOLIN

Pierre DEMOLIN est avocat à Bruxelles et à Paris. Il est l’un des fondateurs du cabinet d’avocats DBB Law (cabinet implanté à Bruxelles, Soignies, Mons, Charleroi, Luxembourg et Paris). Parmi ses fonctions et qualifications nous retiendrons qu’il est membre du Collège des experts et de la commission juridique de la Fédération Belge de la Franchise, arbitre en matière de droit de la distribution (franchise, agence internationale, concession de vente) et Président de la Commission d’arbitrage instituée en application de la loi belge du 19 décembre 2005 sur l’information précontractuelle en matière de contrats de partenariat commercial. Expert reconnu par le monde de la franchise, il est aussi l’auteur de nombreuses publications.

En mai 2016, avec Gilbert Lardinois, il a créé la section belge du Franchise Business Club fondé en 2011 par Jean Samper d’AC Franchise.

Notes

[16] Sauf pour les contrats de baux commerciaux, les contrats d’association et les contrats de société civile, commerciale ou coopérative – Article L.341-1 du Code de commerce.
[17] Article L.341-2 du Code de commerce.

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