Les règles commerciales sont modifiées par la mise en application de la Loi Dutreil II -voir notre article sur le sujet (Un cadre juridique en évolution)- Les réactions des professionnels sont mitigées.
Michel-Edouard Leclerc est le premier à réagir : il encaisse mal les hausses de tarifs qu’ont envoyés les industriels des grandes marques à ses acheteurs. La mauvaise nouvelle est également confirmée par José-Luis Duran, nouveau patron de Carrefour, qui signale une hausse de tarifs de 4 à 6 % en moyenne, allant jusqu’à 12 % dans les produits de beauté. Les négociations commerciales évoluent en raison des règles juridiques nouvelles.
Depuis dix ans la Loi Galland fixait un seuil de revente à perte pour en finir avec les prix trop bas pratiqués par les grandes surfaces. Elle imposait aux fournisseurs de publier un tarif officiel valable pour tous les distributeurs. Les commerçants ne pouvaient vendre moins cher que ce prix officiel. Or cette loi n’était plus appliquée par personne… On reprochait à la Loi Galland d’avoir augmenté les marges arrière. L’ensemble du secteur a contourné le texte. Cela a entraîné en France une inflation des prix à la consommation supérieure à celle des autres pays d’Europe et, avec la baisse du pouvoir d’achat des ménages, il devenait urgent de réagir. Un certain Sarkozy, de passage à Bercy, a exigé une baisse des prix de 2 %.
L’objectif de la réforme est donc qu’une partie des marges arrière bénéficie prioritairement aux consommateurs. Le dispositif prévoit un nouveau calcul du seuil de revente à perte (SRP) : on enlève au prix net facturé (après remise) les avantages financiers accordés par le vendeur, en ne dépassant pas le seuil de 20 % du prix unitaire net du produit (15 % à partir de 2007), ceci représentant les marges arrière.
Cette nouvelle donne va conditionner les relations commerciales. En effet les fournisseurs qui ont l’habitude d’accorder des marges arrière importantes augmentent leurs tarifs afin de maintenir le niveau de ce versement aux distributeurs. D’autres au contraire ont décidé que c’était à la grande distribution de financer la baisse des prix de vente au consommateur. De leur côté les distributeurs peuvent soit réagir en augmentant la part des produits à leur marque (MDD) soit, plus subtil, continuer à pratiquer des marges arrière importantes… Car finalement la loi se contente de rendre possible la répercussion dans les prix de vente de la fraction dépassant 20 %. Il est possible de baisser les prix et creuser l’écart avec la concurrence, quitte à perdre un peu de marge à court terme.
Chacun redevient maître de son prix de vente. La baisse du seuil de revente à perte peut donc en même temps faire diminuer les prix de vente et augmenter la marge du distributeur. Finalement on peut penser qu’avec ce nouveau texte, les distributeurs ont encore plus intérêt à faire appel aux PME, même si la loi semble favoriser les fournisseurs les plus organisés. Mais qui peut prétendre connaître ses effets réels dans les années à venir… On peut difficilement prévoir les effets pervers d’une loi…
Dominique Deslandes