MD : Faire du commerce aujourd’hui, est-ce facile ?
EdL : On a connu jusqu’ici une montée des enseignes et des consommations, mais qui arrive à saturation. Tout devient fragile. Il suffit d’un petit concurrent qui vient à côté, d’une petite galerie ou d’un petit centre commercial qui ouvre. C’est le moment où l’on doit être le plus mobile, où l’on doit le plus changer, le plus évoluer. Augmenter son chiffre de 10 % l’an sans rien faire, c’est fini. On est en train de revenir à la vraie qualité du commerce.
Le commerçant doit désormais considérer qu’il fait un vrai métier honorable, qu’il est un acteur de la société. Il ne s’agit plus d’ouvrir vitrine, de se mettre derrière son tiroir-caisse et d’attendre que les gens rentrent. Ce n’est pas une affaire de médiocres.
MD : Quelles sont les qualités du commerçant moderne ?
EdL : Les commerçants, même les franchisés ou les adhérents de groupements, sont trop isolés. Pour y remédier, ils ont besoin d’élargir leur horizon à travers des réseaux relationnels.
Il est indispensable d’être informé, de s’abonner à Internet, de discuter avec ses voisins, de lire des journaux professionnels, de participer à des colloques.
Sans obligatoirement entrer au Conseil Municipal, le commerçant doit s’intéresser à la vie locale, rencontrer régulièrement l’Adjoint au commerce, approcher la CCI ou la Chambre des Métiers. Il doit être en relation avec les Associations de Commerçants, avec le manager de centre ville. Bien sûr, il y a du bon et du mauvais dans tous ces organismes, mais le commerçant a tout intérêt à rentrer dans ces réseaux relationnels, tout en restant critique et sans être l’opposant professionnel.
Il faut s’entourer de compétences. Choisir son expert-comptable, qui ait d’autres commerçants comme clients, devient déterminant. Cela permet, pour tous les points à caractère financier, d’être en échange, en réseau, avec ses collègues. Prendre quelqu’un qui ne travaille qu’avec des médecins serait une erreur professionnelle.
Etre un chef d’entreprise, c’est aussi savoir acheter les services de bons professionnels. En matière de communication et de choix de l’emplacement, décider seul serait une erreur.
MD : Un franchisé a-t-il intérêt à s’installer en centre ville, en emplacement n°1, en centre commercial ? Doit-il déménager régulièrement ?
EdL : J’aurais tendance à dire que le commerce de centre ville, c’est une vraie sécurité parce que les boutiques de centre villes auront toujours un flux de clients passant devant elles. Au contraire, on commence à voir des friches commerciales de parcs d’activités commerciales.
Il devient intéressant de s’installer sur des emplacements 1 bis ou 2, voire dans des quartiers, un peu à l’ombre. Ces emplacements secondaires sont beaucoup plus à la portée de quelqu’un qui a une idée, pour tester les choses, sans dépenser des loyers de 350 à 650 euros au m2.
Un commerçant qui ne se pose pas tous les deux ans la question de sa localisation commet forcément une erreur. Je sens qu’il y a un projet commercial à tel endroit. La géographie commerciale va bouger. J’ai intérêt à vendre au moment où ça vaut cher, avant que ma rue commence à décliner. Ou alors je prends un deuxième magasin près du nouveau centre commercial, pour larguer au bon moment, me préparer à des mutations, etc .
Procos
Procos est une fédération regroupant quelque 120 enseignes, dont la mission est l’étude et le développement des implantations commerciales. Son Directeur des Etudes, Emmanuel de Labarre, a un regard d’expert sur le commerce et son évolution. Interview 2006.