Spécialité française, la franchise est devenue, en trente ans, un bon moyen d’ouvrir des points de vente dans des emplacements stratégiques en limitant les coûts.
En vingt ans, le nombre de franchisés en France a été multiplié par quatre, passant de 7 500 en 1977 à 32 000 en 2002 (source : FFF). Aujourd’hui, la France, très attachée à la notion de marque, est même devenue le spécialiste européen de la franchise. Mais si l’industrie du textile (prêt-à-porter mais, également, équipement de la maison) a amorcé le mouvement, les services lui ont rapidement emboîté le pas : ils représentent désormais 40 % des franchiseurs hexagonaux. Car les atouts de la franchise sont multiples pour les franchiseurs comme pour les franchisés. Une entreprise peut prendre rapidement des positions stratégiques sur un marché et acquérir une forte visibilité, sans investir des fortunes dans son parc de magasins . Avec le budget nécessaire à l’ouverture d’une succursale, un franchiseur peut ainsi ouvrir une dizaine de points de vente franchisés. Et Jean Samper de citer l’exemple caractéristique de Novotel qui, après avoir ouvert une poignée d’établissements en propre, s’est appuyé sur ces modèles pour séduire des franchisés qui l’ont aidé à rentabiliser (développer en fait) son concept. L’un des secrets de la formule réside, en effet, dans le niveau d’implication des deux parties : Vous avez affaire à des partenaires qui investissent eux-mêmes dans votre concept, note Chantal Zimmer. Il est donc fort probable qu’ils cherchent à rentabiliser leur entreprise et à favoriser la remontée d’informations sur les clients, essentielle dans ce type de collaboration.
DES RÈGLES STRICTES
Les franchisés seraient donc plus motivés à faire tourner la boutique que les succursalistes ? Une opinion que ne partage pas tout à fait Gilbert Mellinger : Ils sont surtout motivés à faire ce que bon leur semble !, affirme t’il. C’est pourquoi il est nécessaire de mettre en place une méthode de management spécifique aux franchises tout en laissant s’exprimer la créativité du réseau. Encadrer sans contraindre, piloter sans diriger : un équilibre fragile que les franchiseurs doivent impérativement trouver, au risque de voir leur marque dénaturée. D’où la réticence persistante de certains acteurs, tels que Célio, Sephora ou Chantelle. De fait, le franchiseur lie son devenir au travail d’un commerçant qu’il ne connaît pas. De plus, il a tout intérêt à se prémunir d’arguments qui éviteront à l’histoire d’amour de se transformer en divorce pour faute. Vous êtes tenus d’apporter un avantage concurrentiel à votre franchisé, faute de quoi, il pourrait, ensuite, se retourner contre vous , confie Chantal Zimmer. La franchise est donc un exercice plus difficile qu’il n’y paraît, d’autant que les dérives provoquées par le développement anarchique des années 80 ont apporté aux candidats un niveau d’exigence élevé. En témoigne la création, il y a une quinzaine d’années, par la Fédération française de la franchise, d’un code de déontologie qui a permis à la franchise de se développer sur des bases plus saines. Cette exigence s’exprime tant du côté des franchisés, qui demandent des garanties aux franchiseurs, que du côté des franchiseurs eux-mêmes, qui placent la barre de plus en plus haut. En effet, ces derniers doivent s’assurer des capacités managériales des commerçants qu’ils vont choisir. Ils sélectionnent donc leurs franchisés avec autant de soin et d’exigences qu’ils le feraient avec leurs propres salariés. Enfin, certains n’hésitent plus à demander des droits d’entrée importants afin, d’une part, de sélectionner les meilleurs emplacements, et, d’autre part, de mieux trier les candidats. Chez Cafétéria Casino, par exemple, les franchiseurs doivent s’acquitter de près de 40 000 euros de droits d’entrée.
LA RÉUSSITE DE LA MIXITÉ
Reste que, pour certains acteurs, le secret de la réussite passe par la mixité des réseaux : franchises et succursales. Ainsi, nombre de sociétés commencent par tester leur enseigne en ouvrant quelques succursales, ce qui leur offre l’opportunité d’avancer pas à pas et de bâtir un concept commercial en en maîtrisant parfaitement la gestion et le développement. Puis, lorsqu’elles ont mis sur pied un modèle qui répond en tous points à leurs attentes, ces mêmes entreprises se tournent enfin vers la franchise, qui leur permet de passer à la vitesse supérieure et de bénéficier d’une manne en matière d’informations sur les clients. Cependant, certains réseaux préfèrent le schéma inverse : ils se développent dans un premier temps en franchise, dans un souci d’économies, et, une fois le concept éprouvé, s’offrent leurs propres boutiques. C’est le choix qu’a fait Goldy, spécialiste des montres, qui s’était tout d’abord développé en franchise et vient d’ouvrir des points de vente en fonds propres. L’évolution récente de la franchise aura donc permis, d’un côté de moderniser et de professionnaliser certains secteurs comme l’hôtellerie ou la lingerie et, de l’autre, de créer de nouveaux marchés tels que les centre auto.
Franchise : la puissance commerciale à moindres frais (Spécial 20 ans)
Action Commerciale N°219 – 06/06/2002 – Isabelle Condou-Sallard